mardi 3 décembre 2013

The Growl – What Would Christ Do

(putain, j’arrive même pas à trouver sur quel label ils sont)
La vie est pleine de surprises. Tenez, l’autre jour, je déambulais paisiblement sur quelque plage californienne, un de ces endroits gorgés de baywatchs plantureuses, quand j’avisai un individu dont le visage ne m’était pas inconnu, mais qu’il m’était impossible de remettre précisément. Un visage dont la partie inférieure semblait faite des chamallows de notre jeunesse scoute, vous savez, ces friandises plantées sur un bâton et fondues au feu de bois de la veillée, tandis que s’élevaient dans les airs les ris et les chants de la naïve et adolescente insouciance. Une chemise bariolée ouverte sur un ventre mou mais généreux débordant du short à fleurs. Une calvitie rubéfiée par l’astre solaire. Un port un peu raide, vestige d’une éducation stricte et prégnante. Un regard étonnamment malicieux. Cet homme tenait par les hanches deux nymphes, superbes et manifestement peu farouches. M’approchant, mû par une force mystérieuse qui ressemblait fortement à de la curiosité, je tombais des nues en mettant enfin un nom sur ce visage qu’estompait la brume du temps qui passe. Stupéfait, je ne puis que bafouiller :
  • Monsieur le Premier Ministre ! Votre Suffisance ! Mais… Que faites-vous ici, dans cette tenue ?
Evidemment, il était très difficile de reconnaître l’ancien chef du gouvernement, hilare, tant l’image d’un homme austère en costume trois pièces à la sobriété anthracite et molle était gravée dans un cortex peu enclin à une aussi brutale remise en question des certitudes.
  • Nico.G, n’est-ce pas ? Détends-toi, tout ça, c’est de l’histoire ancienne, j’ai beaucoup changé, tu sais. Tiens, appelle-moi Ed.
  • Bon sang ! Ed !!! Mais que fais-tu ici ? Cela ne se peut ! Et Karachi, tout ça ? On t’a laissé partir, tu as pu venir aux Amériques ?
  • Oh oh oh ! Que veux-tu que j’aille foutre au Pakistan ? J’aime regarder les filles qui marchent sur la plage, leur poitrine gonflée par le désir de vivre, et avec les Pakistanaises, on voit que dalle.



Je ne reconnaissais plus Edouard Balladur. On nous l’avait changé. Et qu’était-ce que cette obsession pour le sexe opposé ? D’autant que je faisais plutôt allusion à ses déboires judiciaires.
  • Ah ?, me répondit-il alors, ça, c’est terminé, j’ai payé ma dette à la société et maintenant, je suis tes conseils, je suis cool, j’écoute les Growlers, je bois de la 8.6 sur l’estran en regardant le soleil se coucher, je butine ces magnifiques fleurs des plages aux douces fragrances, la vie est belle.
  • Mais t’es con comme un footballeur, Edouard ! Arrête de penser avec ta bite, t’entends pas que c’est pas The Growlers ? Hé gros ! c’est The Growl ! Tu sais plus lire, ou quoi ? Tu n’as rien à faire en Californie, c’est l’appel de l’Australie que tu sens là !
Le visage jusqu’alors rayonnant d’Edouard se ternit immédiatement. Le silence s’imposa. Les deux filles commençaient à se tortiller, à s’agiter nerveusement. Je compris que j’avais brisé une alchimie subtile, promesse d’un bonheur béat. Il fallait que je dise quelque chose.
  • Je comprends que tu te sois fait avoir, ils ont des moustaches, c’est un peu pareil, alors, bon… Mais c’est un peu plus nerveux, quand même, non ? Enfin, c’est pas tout-à-fait ça, mais bon, euh… Ce n’est quand même pas la même ambiance ! D’ailleurs, ils ont joué avec Tame Impala, tu vois, ils font partie des groupes plus produits, plus rock classique. C’est pas la plage, leur truc, Edouard. Ou alors ce n’est pas évident au premier abord. C’est clairement moins décontracté, plus sec, percutant, plus blues. C’est beaucoup plus bruyant, aussi, surtout au début du disque. Et, au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, ce n’est pas le même chanteur. En même temps, maintenant que tu le dis, il est vrai qu’il a du charisme, la voix rauque et des choses à raconter. OK OK OK, ne vas pas t’exciter, c’est du psyché-quelque chose aussi, tu sais, le mot qu’on met à toutes les sauces, mais vraiment, tu conviendras que l’atmosphère n’est pas du tout celle des Growlers. Un peu plus électro, dans les rythmes, l’espèce de caisse claire, là. Et pas d’orgue du tout. Bon, il y a tout plein d’instruments, genre piano, harmonica, p’têt’ bien même du banjo. Alors quoi ? C’est un peu plus grandiloquent, malgré tout. Mais tu déconnes, Edouard, on peut pas confondre.


L’abattement se lisait sur les traits de mon nouvel ami. Je sentais que mon consentement lui importait et que j’avais été trop brutal. Je compris alors que sa récente et radicale transformation l’avait fragilisé. Les larmes coulèrent le long de ses joues tombantes. Ses épaules s’avachirent, ses bras se relâchèrent, libérant de leur étreinte les deux surnaturelles gourgandines. Il me jeta un regard triste, qu’il détourna sans hâte vers l’Océan, jadis promesse de tant de bonheur. Edouard Balladur se détourna, s’éloigna à pas traînant, les épaules toujours écrasées du poids des années et des avanies. Fatigué de tout. C’est ainsi qu’il disparut de mon existence. Pathétique.
Les filles me regardaient toujours. Je sautai sur l’occasion :
  • Et vous, vous aimez les Growlers ?

lundi 2 décembre 2013

FuZz – Fuzz

"Attention disque brutal"

L'album devrait être vendu avec cette mention sur un stickers tant le son qu'il contient est pesant. Le seul nom du groupe annonce la couleur: le bruit, le son gras, les riffs lourds. N’ayez pas peur, c’est juste de la magie noire.



Fuzz est le nouveau groupe de Ty Segall, un jeune californien carburant comme un malade au rythme de 2 à 3 albums par an. Dans ce projet là, il est question de remettre au goût du jour le son heavy des années 70, le Sabbat noir en tête. Les riffs giclent de partout sur l'album. C'est travaillé à la pédale fuzz dans de l'ampli vintage. Le groupe fait un boucan de dingue et ils ne sont que 3 !

Habituellement à la guitare, c’est derrière les fûts que Segall se déchaine cette fois. Globalement le disque oscille entre riffs lourd à la Black Sabbath/Deep Purple (Loose Sutures ou Sleigh Ride) et passages psychés assez rudes façon King Crimson (One). Les gars se connaissent par cœur et se permettent de longues impros assez hallucinantes en retombant toujours dans les clous.

La guitare fait aussi beaucoup penser à Hendrix plus par son rythme que par le son (même lui n’avait pas autant de fuzz à l’époque sur Electric Ladyland). Le disque est enregistré live, tout en vintage. C’est assez plaisant d’écouter au casque et d’entendre le groupe et le son de la pièce. La batterie a un son assez room et les amplis buzz pendant les moments de pause comme à l’ancienne.


Le son du disque est quasi parfait (dans l’esprit 70’s revival). On assiste à une jam session d’acid rock parfaitement maitrisée d’un groupe furieux dans une cave. C’est enregistré dans l’urgence et c’est tant mieux. Seulement 8 titres figurent sur l’album, ce qui pourrait être largement suffisant étant donné que l’on frise la lobotomie arrivé à seulement la moitié, mais on fait vite le tour (et on zappe sur Paranoid après du coup), dommage.
Le «j’aime pas» du disque ? Euh... la pochette ? Très moche mais complètement 70’s (un diable auréolé en velours violet, flottant dans le cosmos façon Stairway to heaven...).


Fuzz n’invente rien, mais nous fait la bonne surprise de placer son premier effort juste à côté des grands albums de hard des années 70. Pas très accessible suivant l’heure de la journée, privilégiez une écoute en solo, très tard dans la nuit avec un bon vin.
Magie noire on a dit.

Guillaume ANDREA

lundi 21 octobre 2013

The Baron Four (State / Groovie Records) - Yes I Do

Maëviq prit congé du vieux Bretaq, traversa le dédale de ruelles encombrées de détritus et regagna la rue. Il essaya d’avoir un comportement normal. Ce n’était pas la première fois qu’il se mettait dans cette situation. Il devait avoir l’air normal. Il devait donc regarder normalement devant lui. Marcher normalement. Héler normalement le tramway. Se tenir normalement aux barres sans chercher des yeux les uniformes de la Sûreté Publique ou tenter de repérer leurs mouchards, fouineurs omniprésents et délateurs zélés. Depuis que le système bancaire avait réussi à soumettre la Commission en lui agitant la menace de refus d’un prêt gigantesque pour financer son fonctionnement et celui de ses services tentaculaires, les armoires à glace en uniforme bleu grouillaient littéralement. Cela s’était déroulé bien avant la naissance de Maëviq, mais il avait assez entendu son père, avant son arrestation et sa disparition, radoter à ce sujet pour en connaître le moindre détail. Les différents Ministères devenus des marchés publics, transformés en Agences contrôlées par les grandes entreprises monopolistiques par la grâce d’appels d’offre inaccessibles à la concurrence, la supervision démocratique devenue une plaisanterie, l’actionnariat en guise de citoyenneté. Puis les interdictions qui s’accumulèrent, en fonction des intérêts de ceux qui contrôlaient les Agences. C’est ainsi que la Culture, puis l’Alimentation, comme tant d’autres Secteurs, devinrent soumis à de strictes contraintes. Il était interdit de consommer autre chose que ce que le Réseau vomissait. Musique, films, numélivres (le vieux Bretaq lui avait un jour dit que les livres avaient autrefois été fabriqués à partir d’une sorte de pâte de bois, ce qui avait interloqué Maëviq, qui en avait pourtant manipulé quand il était jeune), holojeux, tout devait recevoir l’autorisation de l’Agence Pour la Culture, dominée pour encore 15 ans par le consortium ChinaTangExx-Universal, producteur exclusif du contenu dit « culturel ». Il était interdit de consommer autre chose et surtout de posséder ce que Maëviq dissimulait nerveusement dans la doublure recousue de sa veste. Il fallait ouvrir son cerveau à ce qui se déversait continuellement des box, qui devaient rester allumées quasiment en permanence.
Il se reprit en se sermonnant en silence. Il ne fallait pas penser s’il voulait ne pas se faire repérer. Il devait perdre toute vivacité dans son regard, qu’il devait conserver vitreux, comme tous ses voisins. Il ne devait en aucun cas attirer l’attention, encore moins les soupçons. Il eut la sensation qu’un homme barbu, au fond du compartiment, le regardait étrangement. Un mouchard ? Etait-il monté en même temps que lui ? L’avait-il vu sortir de la ruelle ? Ou pire, de chez le vieux ? Il prit la décision de descendre à l’arrêt suivant, de faire semblant d’avoir à faire dans une boutique ChinaTangExx, histoire de donner le change. Ou au moins de s’intéresser à la vitrine holographique. Entrer dans le magasin, c’était risquer un scan Vigipirate et donc de se faire démasquer. Mais marcher trop longtemps était suspect également. Il y avait des salles (payantes, naturellement) vouées à l’activité physique. Faire du sport gratuitement, c’était léser l’Agence pour le Bien-Être, dont un conglomérat quelconque avait encore la charge pour quelques mois. Non, le barbu ne descendit pas du tram, il n’y avait personne d’autre que lui dans la rue. Il pouvait se relâcher un peu. Il fit tout de même ce qu’il avait prévu, on ne savait jamais, avant de regagner son bloc, puis son casier, comme on appelait les minuscules cages à lapin qui servaient de logement aux agents de la Culture. Car Maëviq travaillait dans cette Agence qu’il haïssait. Mais comment faire autrement ? Rester, c’était certes collaborer à cette trépanation collective. La quitter, c’était en revanche déclarer clairement son hostilité. Sans aborder, évidemment, la question des moyens de subsistance.

 
Il ferma nerveusement la porte derrière lui. La box s’alluma automatiquement et déversa instantanément des flots d’inanités musicales. Il avait depuis longtemps appris à faire abstraction, ou au moins à essayer. Il se débarrassa de sa veste, bien trop chaude pour la saison, puis entreprit d’en découdre la doublure. De la masse de fibres synthétiques, il dégagea bientôt deux objets plats et circulaires. Des disques. Des vinyles, comme disait Bretaq. Il ne pouvait se procurer ces objets que par l’intermédiaire du vieux, mais il en ignorait totalement la provenance. Il n’était même pas certain du nom de son fournisseur attitré. Ni comment celui-ci se les procurait. Bretaq, si c’était son nom, lui avait déjà expliqué qu’autrefois il en existait de beaucoup plus gros, appelés LP ou 33T (Drôles de noms !, se disait Maëviq, qui se souvenait d’en avoir vu quand il était petit), mais trop encombrants et peu discrets, ils avaient fini par disparaître de la circulation. Seuls les plus petits, les « 45T », pouvaient encore circuler sous, ou plutôt, dans le manteau, du fait de leur petite taille. Maëviq contempla les deux qu’il avait achetés. Ils avaient été enregistrés par le même groupe, appelé The Baron Four, mais ne provenaient pas de la même usine. « Des labels » aurait rectifié Bretaq. Les enregistrements remontaient à plusieurs décennies auparavant, du début du XXIème siècle, et reprenaient un style de musique jouées bien longtemps auparavant. Du revival. Bretaq devait être vraiment vieux, il avait l’air d’avoir connu cette époque : il avait les yeux qui brillaient quand il évoquait des choses aussi exotiques que le psychédélique, le garage rock, le freakbeat, aussi bizarres que les mots archaïques qu’il employait. Mais Maëviq adorait ça et prenait des risques fous pour échapper à la grisaille urbaine et à la morne résignation de ses contemporains.
Il reposa ses acquisitions, se baissa, enroula le tapis, qu’il entreposa à proximité. Avec un couteau de cuisine, il souleva deux lames plastifiées imitant l’ancien bois et tenant lieu de revêtement de sol. Là, dans une petite cavité pouvant à peine le contenir, un ensemble d’appareils très vieux et volumineux que Maëviq tenait de son père. A la suite de manœuvres astreignantes selon les standards de son époque, mais dont lui tirait un plaisir infini, cela permettait d’écouter de la musique. De la musique interdite.
Il sortit le premier disque de son emballage, la pochette. Celle-ci était décorée, ce qui n’était pas toujours le cas. On voyait des photos des musiciens, surmontées de couronnes. A l’arrière, les noms des morceaux : 5to4 et She Said Yeah. Le disque vint avec une grande feuille pliée en trois, puis en deux, un grand dessin des membres du groupe. Un poster ! Mais qui serait assez fou pour afficher une image pareille ? Autre chose que ce qui était vendu chez Matzuikea ? Après avoir contemplé les écritures, Groovie Records, suivi de mots d’une langue disparue, collées vers le centre du disque, il posa celui-ci sur la platine et prit rapidement le casque branché en permanence et le posa sur ses oreilles. Impossible d’écouter autrement, à moins de se faire dénoncer et arrêter. Et cela avait le mérite d’estomper la bouillasse de la box. La musique éclata dans sa tête. Une décharge électrique, puis deux après qu’il eut retourné le disque, lui éclatèrent les tympans. Des morceaux brefs, vifs et tendus, sans temps mort. Il ne comprenait pas les paroles du langage archaïque, mais ce n’était pas ce qui lui importait. Seule importait l’énergie que ce disque dégageait. Et la qualité des morceaux, impeccables. De ceux qui requinquaient pour la journée.


Il hésita. Prenait-il le risque d’écouter le second disque immédiatement ? Trop impatient pour repousser le moment, il le prit, le savoura du regard : pas de jaquette, mais un disque plus épais. Comme pour le premier, il regarda le nom du label, State Records, puis posa le disque sur la platine, qu’il remit en marche. Yes I do, suivi de Girl, l’enthousiasmèrent derechef, lui électrisèrent l’échine. Une hargne positive se transmit de la musique à Maëviq. Il aurait la très efficace mélodie de Yes I do dans la tête pour un bon moment. Des modèles du genre : voix à la limite de la perversion, guitare impeccable, hurlement appelant le solo, morceaux courts, intenses, sans aucune faute de goût ni de coup de mou. C’était parfait. Satisfait, presque épuisé par autant d’émotions, le jeune homme rejeta le casque sur ses épaules. Il ne regrettait absolument pas la transgression risquée que constituait ses achats.
On frappa à la porte. Maëviq se figea. Il ne recevait jamais de visites. Il avait évité de se faire des relations pour ne pas risquer d’être dénoncé. C’était la première fois que cela arrivait. Une Inspection Impromptue ? Le barbu, dans le tram, qui le regardait avec intérêt ! Ou bien avait-il chanté sans s’en rendre compte ? Avec le casque, c’était tout-à-fait possible… Comment remettre le sol en place sans faire de bruit ? Il fallait cela pour se rendre compte de l’ineptie de ses précautions, qui lui apparaissaient désormais comme bien dérisoires ! Il se maudit intérieurement. Quel imbécile présomptueux il avait été. Ne pas bouger. Ne pas faire le moindre bruit. Avec un peu de chance, ils allaient finir par repartir, s’ils avaient la certitude que son casier était vide. Quelques instants pénibles s’écoulèrent. On frappa de nouveau. Maëviq était perdu. Il allait devoir ouvrir.

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samedi 19 octobre 2013

Review punk - Episode 1 - Shocked Minds

Ah ma pauvre Simone, où va le monde ?

On ne peut même plus se fier aux apparences. De mon temps, un hippie avait les cheveux longs, une barbe fournie et en bataille et des bottes en peau de mouton retourné l'hiver. L'été, on le retrouvait pied nu errant de festival en festival. Leur musique onirique et pacifiste tranchait avec les hurlements potaches, parfois revendicatifs, des punks. Le punk s'il n'avait pas de crête dressée à la bière portait au moins des jeans slim déchirés, un blouson dégueulasse et des tatous et piercing partout où ça fait mal.
Maintenant, c'est le bordel !
On peut plus anticiper le danger, casser les genoux des contestataires. J'en frissonne d'angoisse. Quand on y pense le gendre idéal peut cacher un terrible punk à la révolte inutile et dangereuse ou un hipster peu nous pondre des tubes folks de bouseux canadiens.

Pfuit......

Voilà donc 3 groupes punks qui n'ont vraiment aucun point commun. Les Américains de Shocked Minds s'inscrivent dans le sillon tracé par Sonny Vincent, les anglais classieux mais dangereux de Thee Spivs perpétuent la tradition du no future made in england alors que les new-yorkais  des Mind Spiders ne choisissent pas entre la mode surfeur/hipster maitrisent à merveille la punk pop song.
Shocked minds (Hozac Records) - S/T
Pas de surprise avec ce quatuor d'Atlanta qui arborent piercing et perfecto comme étendard. Les Shocked Minds ne viennent pas de nulle part. Ex membre des Carbonas, Gentleman Jesse and His Men et GAMES ces gars-là connaissent leur boulot. Sorte de mue ultime d'un serpent punk à la rage violente. Oeuvrant dans la droite ligne des punk hardcore new-yorkais (Dead Boy ou Sonny Vincent), ce premier opus ne fait pas dans la dentelle et dégomme de titre en titres. L'envie de mordre est à l'œuvre sur l'intégralité de ce premier opus.Sorti pendant l'été sur le label de Chicago, Hozac Records. Si l'on s'arrête sur la pochette du disque, on n'a presque pas envie de déposer la galette sur sa platine. Rien de neuf, Les Shocked Minds annoncent la couleur. Ils font du punk et vous emmerdent. Aucune concession musicale n'est possible à l'image de Sonny Vincent, vieux punk des origines qui a joué avec les plus grands et qui ne rendra jamais les armes.


Comme d'habitude les aigris vont hurler ''Déjà Vu", "Déjà entendu". ET ALORS !

Les Shocked Minds enchainent des riffs distordus high tempo, un chant à la limite de la rupture et des rythmiques qui ne lâchent rien. Un coup de cœur pour le tube punk drug song et l'ouverture garage along for the ride sans oublier l'incursion très rock'n'roll du titre Danger.


Shocked Minds-face to face video from Jon Atcheson on Vimeo.

M.ARTY

mercredi 2 octobre 2013

The Mallard - Finding Meaning In Deference (Castleface Records)

De retour chez lui, il ôta ses chaussures, des baskets confortables et lourdes, et se dirigea directement vers le réfrigérateur. Il se servit une bière, et eut immédiatement envie de combler le silence, de se vider la tête, de se la vidanger. La journée avait été difficile. Il ne s'y ferait jamais. Et forcément, personne à la maison. Nobody. Niemand. Pourquoi y aurait-il quelqu'un ? Qui pourrait supporter un type comme lui, insomniaque, flic et semi-alcoolo ? Elles ne s'attachaient jamais très longtemps. Horaires trop irréguliers, jamais là quand il fallait, trop de violence, plus ou moins contenue.

Il se dirigea vers sa chaîne hifi. Il hésita au moment, crucial, du choix. Les quelques polars qu'il avait lus l'avaient bien fait rire : les flics avaient toujours des goûts très sûrs, très pointus. Du jazz machin avec Tartempion à la trompette, ou du classique, surtout la symphonie numéro truc et surtout une capacité à connaître le solfège, le vocabulaire, tout le tintouin. Des flics comme ça, il n'en avait jamais rencontrés... Comme partout, la masse écoute ce qu'on lui met entre les oreilles, à la radio. Et lui, son truc, c'était tout autre chose.Ses doigts couraient le long des vinyles dans les bacs, les faisant rapidement basculer vers l'avant pour voir la pochette du suivant. Cut, des Slits ? Déjà trop écouté. Un bon vieuxDevo, bien tordu ? Mouais... Les B 52's ? Il aimait bien ce type de voix, mais il avait envie de quelque chose de plus sombre, de plus tourmenté, de classieux aussi. De plus post-quelque chose. Il aurait bien aimé la synthèse de tout ça, quelque chose de plus récent. C'est du côté de Castleface Records qu'il mit enfin la main sur ce qu'il cherchait : "Finding Meaning In deference", de The Mallard.


Il appréciait ce moment. La manipulation de l'objet. Saisir d'un geste sûr. Faire glisser le disque hors de sa pochette protectrice en le saisissant entre le majeur et la base du pouce.Le poser sur la platine.  Prendre le bras et le poser en essayant de ne pas trembler. Presque un rituel. Alors que le diamant léchait le vinyle de toute sa douceur aiguisée, il s'alluma une cigarette en attendant les premières trépidations. Les notes s'élevèrent dans l'atmosphère de cette pluvieuse nuit d'été. Il ferma les yeux. La gamine, dans la cave. La passivité dans le regard des parents qu'on embarque. La misère de ce quartier décati. L'atmosphère de défiance.



La basse attaqua d'entrée. A Form Of Mercy. Un titre évocateur de ce qu'il ressentait. L'étrange joie malsaine de The Mallard, ces transes débridées et bancales lui allaient bien. Puis s'allumèrent les bougies de cristal. Crystal Candles. Une montée répétitive, une guitare (vraiment ?) qui finit par occuper une place prépondérante, assourdissante, tandis que la mélopée s'accélérait et se crispait. La deuxième bière fit un appel du pied. Apaisement avec The Warm of Youth, bien que le rythme ne baissât pas d'un iota. Des voix qui s'achevaient en boucle, pour un effet perturbant. L'hypnose survint avec The Math, le groupe semant le trouble chez l'auditeur. C'était ce qu'il aimait : qu'on l'emmène loin de tout ce sordide qu'il connaissait ici. Qu'on sublime le sale pour l'emmener vers l'étrange. Oublier ce qu'il y a dehors, derrière la porte. Out Of The Door. En voilà, de l'étrange. Qui donne envie de se réfugier dans son cocon. Va pour la deuxième bière. Après tout, la musique de The Mallard vaut bien un peu d'ivresse. En écrasant son énième clope dans le cendrier, il retrouva les vestiges d'un vieux joint. Et puis merde, de toute façon. La fumée blanche s'éleva dans l'appartement, ses volutes se mêlant à celles de la musique, l'ensemble l'emmenant enfin vers les berges de l'apaisement. Il avait besoin de tension, de torsion dans la musique pour se sentir bien, et ça l'étonnait toujours. Cela le fit sourire.


Les derniers morceaux s'enchaînèrent sans qu'il n'y prête attention. Il se concentrait. Ses pensées se clarifiaient. Retour à la normale. La jauge indiquait le plein. Il allait pouvoir régler ses comptes.

NicopointG

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jeudi 26 septembre 2013

Jessica 93 (Teenage Menopause) - Who cares

Jessica 93 est un one man band originaire de Bondy (dans le 93, donc). À la question de l'origine du nom de son projet solo, Geoffroy Laporte s'amuse à varier les réponses, d'un « si j'avais été une fille, ma mère m'aurait appelé Jessica » à un « Jessica, c'est mon pseudo quand je sors dans les bars gay, 93 c'est mon tour de poitrine ». Et vlan, ça nous apprendra à vouloir jouer les curieux !
Foin de l'enrobage donc, car si le nom Jessica 93 éveille, certes, la curiosité, sa musique, elle, retient l'attention en beauté ! Dès la première écoute de « Who Cares », la magie – noire – opère. On aurait même tendance à regretter que l'album, comme les Fingers du sieur Cadbury, ne fût un peu plus long, bien qu'avec ses six titres, il forme un ensemble cohérent de presque quarante minutes. Ne pas hésiter à abuser de la touche repeat !


Transporté dès l'ouverture – quoi de surprenant avec un morceau intitulé « Away » – dans l'univers sombre et envoûtant d'une cold wave épicée d'influences variées, de la noise post-punk à la new wave en passant par l'indie rock US (de l'aveux même de Geoffroy). Vous l'aurez compris, la musique de Jessica 93 ne se laisse pas aisément résumer, ne s'embarrasse pas d'étiquette et ne mérite aucunement qu'on la fourre à la va-vite dans une case étriquée.
Les guitares sont âpres, denses, crades. Les basses puissantes, lancinantes, hypnotiques, notamment sur l'excellent « Sweat Dream » instrumental à l'atmosphère tout droit sorties des enfers. Les boîtes à rythmes et la réverb' voix sont savamment dosées. Le chant, alternant le français et l'anglais, est discret mais bien présent et ajoute à la noirceur ambiante son côté désincarné. Du sombre donc, oui, mais d'un noir flamboyant comme les reflets de l'obsidienne.


Côté technique, qui dit one man band dit contraintes matérielles. Eh oui, le gars n'a que deux bras ! Armé de sa pédale loop, il plaque ses rifs, tantôt tranchants, tantôt saturés, sur des boucles de basse ou de guitare. Shoegaze, rythmes envoûtants et mélodies à l'efficacité imparable, « Who cares » assène un son puissant et frénétique, à en réveiller l'épilepsie de Ian Curtis. Un album aussi sombre que lumineux. Résolument addictif.



Marlène.T

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mercredi 25 septembre 2013

Crocodiles - Crimes of passion (French Kiss Records)

Crocodiles ne serait-il pas le nouveau Jésus and Mary Chain ?
Possible, ce quatrième LP des Californiens de Crocodiles est fortement influencé par le groupe des frères Reid (avec la West coast et le Velvet en plus). Dix titres psyché/surf hautement mélodiques et pas un de plus. Ces gars-là vont droit au but.
Ce qui frappe à la première écoute, c'est ce que sous ce bordel de guitares fuzz, d'harmonies vocales, et de tambourins, on retrouve systématiquement une mélodie pop cachée et addictive. Et la formule fonctionne.
L'écriture de "Crimes of Passion" est soignée, plus de la moitié des titres pourraient assurer sans problème le rôle de single. Alors bien sur ce n'est pas la révolution de la décennie, mais ces mecs connaissent la formule, font le boulot et le font bien.Entre pop/surf song (Marquis de Sade ou Virgin), et des titres plus animal façon 13th floor elevators (Cockroach ou Heavy metal Clouds), le groupe tisse un pont virtuel entre l'Angleterre et la Californie. Les guitares acides se mêlent aux orgues vintage et aux chœurs noyés dans une réverb omniprésente. Mention spéciale pour She splits Me Up qui aurait pu figurer sur le premier Stone Roses une vingtaine d'années plus tôt.C'est avec cette manière d'écrire si anglaise que Crocodiles démontre son art de recouvrir ses obscurs garages songs d'une couche pop plus lumineuse. Comme l'accouplement du Velvet Underground et de My Bloody Valentine. 


La seule faute du disque, à mon sens, pourrait être le mix. Non pas qu'il soit foncièrement mauvais, au contraire, mais à vouloir systématiquement «sonner comme du vieux» sur tous les disques, attention à ce que la personnalité artistique du groupe ne se retrouve pas bouffée par une production trop typée. Le vintage doit avant tout se vivre et moins être une mode. Le GROS point fort du disque est la qualité des morceaux, dans leur écriture, leur construction. Le groupe raconte sa vie dans ce disque et cela se ressent même sans traduction. Ultra efficace sur l'album, ils passeront sans problème en live sur une scène underground d'un club de la côte Ouest. Pas complètement garage, mais trop instinctif pour de la musique britannique. Avec ce "Crimes of Passion", Crocodiles devient le plus anglais des groupes psyché américains et signe un album honnête et assez efficace pour les faire passer en vitesse de croisière.
Guillaume ANDREA

Lien :

Site officiel: http://killkillkillcrocodiles.blogspot.fr
Label: http://www.frenchkissrecords.com