mardi 3 décembre 2013

The Growl – What Would Christ Do

(putain, j’arrive même pas à trouver sur quel label ils sont)
La vie est pleine de surprises. Tenez, l’autre jour, je déambulais paisiblement sur quelque plage californienne, un de ces endroits gorgés de baywatchs plantureuses, quand j’avisai un individu dont le visage ne m’était pas inconnu, mais qu’il m’était impossible de remettre précisément. Un visage dont la partie inférieure semblait faite des chamallows de notre jeunesse scoute, vous savez, ces friandises plantées sur un bâton et fondues au feu de bois de la veillée, tandis que s’élevaient dans les airs les ris et les chants de la naïve et adolescente insouciance. Une chemise bariolée ouverte sur un ventre mou mais généreux débordant du short à fleurs. Une calvitie rubéfiée par l’astre solaire. Un port un peu raide, vestige d’une éducation stricte et prégnante. Un regard étonnamment malicieux. Cet homme tenait par les hanches deux nymphes, superbes et manifestement peu farouches. M’approchant, mû par une force mystérieuse qui ressemblait fortement à de la curiosité, je tombais des nues en mettant enfin un nom sur ce visage qu’estompait la brume du temps qui passe. Stupéfait, je ne puis que bafouiller :
  • Monsieur le Premier Ministre ! Votre Suffisance ! Mais… Que faites-vous ici, dans cette tenue ?
Evidemment, il était très difficile de reconnaître l’ancien chef du gouvernement, hilare, tant l’image d’un homme austère en costume trois pièces à la sobriété anthracite et molle était gravée dans un cortex peu enclin à une aussi brutale remise en question des certitudes.
  • Nico.G, n’est-ce pas ? Détends-toi, tout ça, c’est de l’histoire ancienne, j’ai beaucoup changé, tu sais. Tiens, appelle-moi Ed.
  • Bon sang ! Ed !!! Mais que fais-tu ici ? Cela ne se peut ! Et Karachi, tout ça ? On t’a laissé partir, tu as pu venir aux Amériques ?
  • Oh oh oh ! Que veux-tu que j’aille foutre au Pakistan ? J’aime regarder les filles qui marchent sur la plage, leur poitrine gonflée par le désir de vivre, et avec les Pakistanaises, on voit que dalle.



Je ne reconnaissais plus Edouard Balladur. On nous l’avait changé. Et qu’était-ce que cette obsession pour le sexe opposé ? D’autant que je faisais plutôt allusion à ses déboires judiciaires.
  • Ah ?, me répondit-il alors, ça, c’est terminé, j’ai payé ma dette à la société et maintenant, je suis tes conseils, je suis cool, j’écoute les Growlers, je bois de la 8.6 sur l’estran en regardant le soleil se coucher, je butine ces magnifiques fleurs des plages aux douces fragrances, la vie est belle.
  • Mais t’es con comme un footballeur, Edouard ! Arrête de penser avec ta bite, t’entends pas que c’est pas The Growlers ? Hé gros ! c’est The Growl ! Tu sais plus lire, ou quoi ? Tu n’as rien à faire en Californie, c’est l’appel de l’Australie que tu sens là !
Le visage jusqu’alors rayonnant d’Edouard se ternit immédiatement. Le silence s’imposa. Les deux filles commençaient à se tortiller, à s’agiter nerveusement. Je compris que j’avais brisé une alchimie subtile, promesse d’un bonheur béat. Il fallait que je dise quelque chose.
  • Je comprends que tu te sois fait avoir, ils ont des moustaches, c’est un peu pareil, alors, bon… Mais c’est un peu plus nerveux, quand même, non ? Enfin, c’est pas tout-à-fait ça, mais bon, euh… Ce n’est quand même pas la même ambiance ! D’ailleurs, ils ont joué avec Tame Impala, tu vois, ils font partie des groupes plus produits, plus rock classique. C’est pas la plage, leur truc, Edouard. Ou alors ce n’est pas évident au premier abord. C’est clairement moins décontracté, plus sec, percutant, plus blues. C’est beaucoup plus bruyant, aussi, surtout au début du disque. Et, au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, ce n’est pas le même chanteur. En même temps, maintenant que tu le dis, il est vrai qu’il a du charisme, la voix rauque et des choses à raconter. OK OK OK, ne vas pas t’exciter, c’est du psyché-quelque chose aussi, tu sais, le mot qu’on met à toutes les sauces, mais vraiment, tu conviendras que l’atmosphère n’est pas du tout celle des Growlers. Un peu plus électro, dans les rythmes, l’espèce de caisse claire, là. Et pas d’orgue du tout. Bon, il y a tout plein d’instruments, genre piano, harmonica, p’têt’ bien même du banjo. Alors quoi ? C’est un peu plus grandiloquent, malgré tout. Mais tu déconnes, Edouard, on peut pas confondre.


L’abattement se lisait sur les traits de mon nouvel ami. Je sentais que mon consentement lui importait et que j’avais été trop brutal. Je compris alors que sa récente et radicale transformation l’avait fragilisé. Les larmes coulèrent le long de ses joues tombantes. Ses épaules s’avachirent, ses bras se relâchèrent, libérant de leur étreinte les deux surnaturelles gourgandines. Il me jeta un regard triste, qu’il détourna sans hâte vers l’Océan, jadis promesse de tant de bonheur. Edouard Balladur se détourna, s’éloigna à pas traînant, les épaules toujours écrasées du poids des années et des avanies. Fatigué de tout. C’est ainsi qu’il disparut de mon existence. Pathétique.
Les filles me regardaient toujours. Je sautai sur l’occasion :
  • Et vous, vous aimez les Growlers ?

lundi 2 décembre 2013

FuZz – Fuzz

"Attention disque brutal"

L'album devrait être vendu avec cette mention sur un stickers tant le son qu'il contient est pesant. Le seul nom du groupe annonce la couleur: le bruit, le son gras, les riffs lourds. N’ayez pas peur, c’est juste de la magie noire.



Fuzz est le nouveau groupe de Ty Segall, un jeune californien carburant comme un malade au rythme de 2 à 3 albums par an. Dans ce projet là, il est question de remettre au goût du jour le son heavy des années 70, le Sabbat noir en tête. Les riffs giclent de partout sur l'album. C'est travaillé à la pédale fuzz dans de l'ampli vintage. Le groupe fait un boucan de dingue et ils ne sont que 3 !

Habituellement à la guitare, c’est derrière les fûts que Segall se déchaine cette fois. Globalement le disque oscille entre riffs lourd à la Black Sabbath/Deep Purple (Loose Sutures ou Sleigh Ride) et passages psychés assez rudes façon King Crimson (One). Les gars se connaissent par cœur et se permettent de longues impros assez hallucinantes en retombant toujours dans les clous.

La guitare fait aussi beaucoup penser à Hendrix plus par son rythme que par le son (même lui n’avait pas autant de fuzz à l’époque sur Electric Ladyland). Le disque est enregistré live, tout en vintage. C’est assez plaisant d’écouter au casque et d’entendre le groupe et le son de la pièce. La batterie a un son assez room et les amplis buzz pendant les moments de pause comme à l’ancienne.


Le son du disque est quasi parfait (dans l’esprit 70’s revival). On assiste à une jam session d’acid rock parfaitement maitrisée d’un groupe furieux dans une cave. C’est enregistré dans l’urgence et c’est tant mieux. Seulement 8 titres figurent sur l’album, ce qui pourrait être largement suffisant étant donné que l’on frise la lobotomie arrivé à seulement la moitié, mais on fait vite le tour (et on zappe sur Paranoid après du coup), dommage.
Le «j’aime pas» du disque ? Euh... la pochette ? Très moche mais complètement 70’s (un diable auréolé en velours violet, flottant dans le cosmos façon Stairway to heaven...).


Fuzz n’invente rien, mais nous fait la bonne surprise de placer son premier effort juste à côté des grands albums de hard des années 70. Pas très accessible suivant l’heure de la journée, privilégiez une écoute en solo, très tard dans la nuit avec un bon vin.
Magie noire on a dit.

Guillaume ANDREA

lundi 21 octobre 2013

The Baron Four (State / Groovie Records) - Yes I Do

Maëviq prit congé du vieux Bretaq, traversa le dédale de ruelles encombrées de détritus et regagna la rue. Il essaya d’avoir un comportement normal. Ce n’était pas la première fois qu’il se mettait dans cette situation. Il devait avoir l’air normal. Il devait donc regarder normalement devant lui. Marcher normalement. Héler normalement le tramway. Se tenir normalement aux barres sans chercher des yeux les uniformes de la Sûreté Publique ou tenter de repérer leurs mouchards, fouineurs omniprésents et délateurs zélés. Depuis que le système bancaire avait réussi à soumettre la Commission en lui agitant la menace de refus d’un prêt gigantesque pour financer son fonctionnement et celui de ses services tentaculaires, les armoires à glace en uniforme bleu grouillaient littéralement. Cela s’était déroulé bien avant la naissance de Maëviq, mais il avait assez entendu son père, avant son arrestation et sa disparition, radoter à ce sujet pour en connaître le moindre détail. Les différents Ministères devenus des marchés publics, transformés en Agences contrôlées par les grandes entreprises monopolistiques par la grâce d’appels d’offre inaccessibles à la concurrence, la supervision démocratique devenue une plaisanterie, l’actionnariat en guise de citoyenneté. Puis les interdictions qui s’accumulèrent, en fonction des intérêts de ceux qui contrôlaient les Agences. C’est ainsi que la Culture, puis l’Alimentation, comme tant d’autres Secteurs, devinrent soumis à de strictes contraintes. Il était interdit de consommer autre chose que ce que le Réseau vomissait. Musique, films, numélivres (le vieux Bretaq lui avait un jour dit que les livres avaient autrefois été fabriqués à partir d’une sorte de pâte de bois, ce qui avait interloqué Maëviq, qui en avait pourtant manipulé quand il était jeune), holojeux, tout devait recevoir l’autorisation de l’Agence Pour la Culture, dominée pour encore 15 ans par le consortium ChinaTangExx-Universal, producteur exclusif du contenu dit « culturel ». Il était interdit de consommer autre chose et surtout de posséder ce que Maëviq dissimulait nerveusement dans la doublure recousue de sa veste. Il fallait ouvrir son cerveau à ce qui se déversait continuellement des box, qui devaient rester allumées quasiment en permanence.
Il se reprit en se sermonnant en silence. Il ne fallait pas penser s’il voulait ne pas se faire repérer. Il devait perdre toute vivacité dans son regard, qu’il devait conserver vitreux, comme tous ses voisins. Il ne devait en aucun cas attirer l’attention, encore moins les soupçons. Il eut la sensation qu’un homme barbu, au fond du compartiment, le regardait étrangement. Un mouchard ? Etait-il monté en même temps que lui ? L’avait-il vu sortir de la ruelle ? Ou pire, de chez le vieux ? Il prit la décision de descendre à l’arrêt suivant, de faire semblant d’avoir à faire dans une boutique ChinaTangExx, histoire de donner le change. Ou au moins de s’intéresser à la vitrine holographique. Entrer dans le magasin, c’était risquer un scan Vigipirate et donc de se faire démasquer. Mais marcher trop longtemps était suspect également. Il y avait des salles (payantes, naturellement) vouées à l’activité physique. Faire du sport gratuitement, c’était léser l’Agence pour le Bien-Être, dont un conglomérat quelconque avait encore la charge pour quelques mois. Non, le barbu ne descendit pas du tram, il n’y avait personne d’autre que lui dans la rue. Il pouvait se relâcher un peu. Il fit tout de même ce qu’il avait prévu, on ne savait jamais, avant de regagner son bloc, puis son casier, comme on appelait les minuscules cages à lapin qui servaient de logement aux agents de la Culture. Car Maëviq travaillait dans cette Agence qu’il haïssait. Mais comment faire autrement ? Rester, c’était certes collaborer à cette trépanation collective. La quitter, c’était en revanche déclarer clairement son hostilité. Sans aborder, évidemment, la question des moyens de subsistance.

 
Il ferma nerveusement la porte derrière lui. La box s’alluma automatiquement et déversa instantanément des flots d’inanités musicales. Il avait depuis longtemps appris à faire abstraction, ou au moins à essayer. Il se débarrassa de sa veste, bien trop chaude pour la saison, puis entreprit d’en découdre la doublure. De la masse de fibres synthétiques, il dégagea bientôt deux objets plats et circulaires. Des disques. Des vinyles, comme disait Bretaq. Il ne pouvait se procurer ces objets que par l’intermédiaire du vieux, mais il en ignorait totalement la provenance. Il n’était même pas certain du nom de son fournisseur attitré. Ni comment celui-ci se les procurait. Bretaq, si c’était son nom, lui avait déjà expliqué qu’autrefois il en existait de beaucoup plus gros, appelés LP ou 33T (Drôles de noms !, se disait Maëviq, qui se souvenait d’en avoir vu quand il était petit), mais trop encombrants et peu discrets, ils avaient fini par disparaître de la circulation. Seuls les plus petits, les « 45T », pouvaient encore circuler sous, ou plutôt, dans le manteau, du fait de leur petite taille. Maëviq contempla les deux qu’il avait achetés. Ils avaient été enregistrés par le même groupe, appelé The Baron Four, mais ne provenaient pas de la même usine. « Des labels » aurait rectifié Bretaq. Les enregistrements remontaient à plusieurs décennies auparavant, du début du XXIème siècle, et reprenaient un style de musique jouées bien longtemps auparavant. Du revival. Bretaq devait être vraiment vieux, il avait l’air d’avoir connu cette époque : il avait les yeux qui brillaient quand il évoquait des choses aussi exotiques que le psychédélique, le garage rock, le freakbeat, aussi bizarres que les mots archaïques qu’il employait. Mais Maëviq adorait ça et prenait des risques fous pour échapper à la grisaille urbaine et à la morne résignation de ses contemporains.
Il reposa ses acquisitions, se baissa, enroula le tapis, qu’il entreposa à proximité. Avec un couteau de cuisine, il souleva deux lames plastifiées imitant l’ancien bois et tenant lieu de revêtement de sol. Là, dans une petite cavité pouvant à peine le contenir, un ensemble d’appareils très vieux et volumineux que Maëviq tenait de son père. A la suite de manœuvres astreignantes selon les standards de son époque, mais dont lui tirait un plaisir infini, cela permettait d’écouter de la musique. De la musique interdite.
Il sortit le premier disque de son emballage, la pochette. Celle-ci était décorée, ce qui n’était pas toujours le cas. On voyait des photos des musiciens, surmontées de couronnes. A l’arrière, les noms des morceaux : 5to4 et She Said Yeah. Le disque vint avec une grande feuille pliée en trois, puis en deux, un grand dessin des membres du groupe. Un poster ! Mais qui serait assez fou pour afficher une image pareille ? Autre chose que ce qui était vendu chez Matzuikea ? Après avoir contemplé les écritures, Groovie Records, suivi de mots d’une langue disparue, collées vers le centre du disque, il posa celui-ci sur la platine et prit rapidement le casque branché en permanence et le posa sur ses oreilles. Impossible d’écouter autrement, à moins de se faire dénoncer et arrêter. Et cela avait le mérite d’estomper la bouillasse de la box. La musique éclata dans sa tête. Une décharge électrique, puis deux après qu’il eut retourné le disque, lui éclatèrent les tympans. Des morceaux brefs, vifs et tendus, sans temps mort. Il ne comprenait pas les paroles du langage archaïque, mais ce n’était pas ce qui lui importait. Seule importait l’énergie que ce disque dégageait. Et la qualité des morceaux, impeccables. De ceux qui requinquaient pour la journée.


Il hésita. Prenait-il le risque d’écouter le second disque immédiatement ? Trop impatient pour repousser le moment, il le prit, le savoura du regard : pas de jaquette, mais un disque plus épais. Comme pour le premier, il regarda le nom du label, State Records, puis posa le disque sur la platine, qu’il remit en marche. Yes I do, suivi de Girl, l’enthousiasmèrent derechef, lui électrisèrent l’échine. Une hargne positive se transmit de la musique à Maëviq. Il aurait la très efficace mélodie de Yes I do dans la tête pour un bon moment. Des modèles du genre : voix à la limite de la perversion, guitare impeccable, hurlement appelant le solo, morceaux courts, intenses, sans aucune faute de goût ni de coup de mou. C’était parfait. Satisfait, presque épuisé par autant d’émotions, le jeune homme rejeta le casque sur ses épaules. Il ne regrettait absolument pas la transgression risquée que constituait ses achats.
On frappa à la porte. Maëviq se figea. Il ne recevait jamais de visites. Il avait évité de se faire des relations pour ne pas risquer d’être dénoncé. C’était la première fois que cela arrivait. Une Inspection Impromptue ? Le barbu, dans le tram, qui le regardait avec intérêt ! Ou bien avait-il chanté sans s’en rendre compte ? Avec le casque, c’était tout-à-fait possible… Comment remettre le sol en place sans faire de bruit ? Il fallait cela pour se rendre compte de l’ineptie de ses précautions, qui lui apparaissaient désormais comme bien dérisoires ! Il se maudit intérieurement. Quel imbécile présomptueux il avait été. Ne pas bouger. Ne pas faire le moindre bruit. Avec un peu de chance, ils allaient finir par repartir, s’ils avaient la certitude que son casier était vide. Quelques instants pénibles s’écoulèrent. On frappa de nouveau. Maëviq était perdu. Il allait devoir ouvrir.

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samedi 19 octobre 2013

Review punk - Episode 1 - Shocked Minds

Ah ma pauvre Simone, où va le monde ?

On ne peut même plus se fier aux apparences. De mon temps, un hippie avait les cheveux longs, une barbe fournie et en bataille et des bottes en peau de mouton retourné l'hiver. L'été, on le retrouvait pied nu errant de festival en festival. Leur musique onirique et pacifiste tranchait avec les hurlements potaches, parfois revendicatifs, des punks. Le punk s'il n'avait pas de crête dressée à la bière portait au moins des jeans slim déchirés, un blouson dégueulasse et des tatous et piercing partout où ça fait mal.
Maintenant, c'est le bordel !
On peut plus anticiper le danger, casser les genoux des contestataires. J'en frissonne d'angoisse. Quand on y pense le gendre idéal peut cacher un terrible punk à la révolte inutile et dangereuse ou un hipster peu nous pondre des tubes folks de bouseux canadiens.

Pfuit......

Voilà donc 3 groupes punks qui n'ont vraiment aucun point commun. Les Américains de Shocked Minds s'inscrivent dans le sillon tracé par Sonny Vincent, les anglais classieux mais dangereux de Thee Spivs perpétuent la tradition du no future made in england alors que les new-yorkais  des Mind Spiders ne choisissent pas entre la mode surfeur/hipster maitrisent à merveille la punk pop song.
Shocked minds (Hozac Records) - S/T
Pas de surprise avec ce quatuor d'Atlanta qui arborent piercing et perfecto comme étendard. Les Shocked Minds ne viennent pas de nulle part. Ex membre des Carbonas, Gentleman Jesse and His Men et GAMES ces gars-là connaissent leur boulot. Sorte de mue ultime d'un serpent punk à la rage violente. Oeuvrant dans la droite ligne des punk hardcore new-yorkais (Dead Boy ou Sonny Vincent), ce premier opus ne fait pas dans la dentelle et dégomme de titre en titres. L'envie de mordre est à l'œuvre sur l'intégralité de ce premier opus.Sorti pendant l'été sur le label de Chicago, Hozac Records. Si l'on s'arrête sur la pochette du disque, on n'a presque pas envie de déposer la galette sur sa platine. Rien de neuf, Les Shocked Minds annoncent la couleur. Ils font du punk et vous emmerdent. Aucune concession musicale n'est possible à l'image de Sonny Vincent, vieux punk des origines qui a joué avec les plus grands et qui ne rendra jamais les armes.


Comme d'habitude les aigris vont hurler ''Déjà Vu", "Déjà entendu". ET ALORS !

Les Shocked Minds enchainent des riffs distordus high tempo, un chant à la limite de la rupture et des rythmiques qui ne lâchent rien. Un coup de cœur pour le tube punk drug song et l'ouverture garage along for the ride sans oublier l'incursion très rock'n'roll du titre Danger.


Shocked Minds-face to face video from Jon Atcheson on Vimeo.

M.ARTY

mercredi 2 octobre 2013

The Mallard - Finding Meaning In Deference (Castleface Records)

De retour chez lui, il ôta ses chaussures, des baskets confortables et lourdes, et se dirigea directement vers le réfrigérateur. Il se servit une bière, et eut immédiatement envie de combler le silence, de se vider la tête, de se la vidanger. La journée avait été difficile. Il ne s'y ferait jamais. Et forcément, personne à la maison. Nobody. Niemand. Pourquoi y aurait-il quelqu'un ? Qui pourrait supporter un type comme lui, insomniaque, flic et semi-alcoolo ? Elles ne s'attachaient jamais très longtemps. Horaires trop irréguliers, jamais là quand il fallait, trop de violence, plus ou moins contenue.

Il se dirigea vers sa chaîne hifi. Il hésita au moment, crucial, du choix. Les quelques polars qu'il avait lus l'avaient bien fait rire : les flics avaient toujours des goûts très sûrs, très pointus. Du jazz machin avec Tartempion à la trompette, ou du classique, surtout la symphonie numéro truc et surtout une capacité à connaître le solfège, le vocabulaire, tout le tintouin. Des flics comme ça, il n'en avait jamais rencontrés... Comme partout, la masse écoute ce qu'on lui met entre les oreilles, à la radio. Et lui, son truc, c'était tout autre chose.Ses doigts couraient le long des vinyles dans les bacs, les faisant rapidement basculer vers l'avant pour voir la pochette du suivant. Cut, des Slits ? Déjà trop écouté. Un bon vieuxDevo, bien tordu ? Mouais... Les B 52's ? Il aimait bien ce type de voix, mais il avait envie de quelque chose de plus sombre, de plus tourmenté, de classieux aussi. De plus post-quelque chose. Il aurait bien aimé la synthèse de tout ça, quelque chose de plus récent. C'est du côté de Castleface Records qu'il mit enfin la main sur ce qu'il cherchait : "Finding Meaning In deference", de The Mallard.


Il appréciait ce moment. La manipulation de l'objet. Saisir d'un geste sûr. Faire glisser le disque hors de sa pochette protectrice en le saisissant entre le majeur et la base du pouce.Le poser sur la platine.  Prendre le bras et le poser en essayant de ne pas trembler. Presque un rituel. Alors que le diamant léchait le vinyle de toute sa douceur aiguisée, il s'alluma une cigarette en attendant les premières trépidations. Les notes s'élevèrent dans l'atmosphère de cette pluvieuse nuit d'été. Il ferma les yeux. La gamine, dans la cave. La passivité dans le regard des parents qu'on embarque. La misère de ce quartier décati. L'atmosphère de défiance.



La basse attaqua d'entrée. A Form Of Mercy. Un titre évocateur de ce qu'il ressentait. L'étrange joie malsaine de The Mallard, ces transes débridées et bancales lui allaient bien. Puis s'allumèrent les bougies de cristal. Crystal Candles. Une montée répétitive, une guitare (vraiment ?) qui finit par occuper une place prépondérante, assourdissante, tandis que la mélopée s'accélérait et se crispait. La deuxième bière fit un appel du pied. Apaisement avec The Warm of Youth, bien que le rythme ne baissât pas d'un iota. Des voix qui s'achevaient en boucle, pour un effet perturbant. L'hypnose survint avec The Math, le groupe semant le trouble chez l'auditeur. C'était ce qu'il aimait : qu'on l'emmène loin de tout ce sordide qu'il connaissait ici. Qu'on sublime le sale pour l'emmener vers l'étrange. Oublier ce qu'il y a dehors, derrière la porte. Out Of The Door. En voilà, de l'étrange. Qui donne envie de se réfugier dans son cocon. Va pour la deuxième bière. Après tout, la musique de The Mallard vaut bien un peu d'ivresse. En écrasant son énième clope dans le cendrier, il retrouva les vestiges d'un vieux joint. Et puis merde, de toute façon. La fumée blanche s'éleva dans l'appartement, ses volutes se mêlant à celles de la musique, l'ensemble l'emmenant enfin vers les berges de l'apaisement. Il avait besoin de tension, de torsion dans la musique pour se sentir bien, et ça l'étonnait toujours. Cela le fit sourire.


Les derniers morceaux s'enchaînèrent sans qu'il n'y prête attention. Il se concentrait. Ses pensées se clarifiaient. Retour à la normale. La jauge indiquait le plein. Il allait pouvoir régler ses comptes.

NicopointG

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jeudi 26 septembre 2013

Jessica 93 (Teenage Menopause) - Who cares

Jessica 93 est un one man band originaire de Bondy (dans le 93, donc). À la question de l'origine du nom de son projet solo, Geoffroy Laporte s'amuse à varier les réponses, d'un « si j'avais été une fille, ma mère m'aurait appelé Jessica » à un « Jessica, c'est mon pseudo quand je sors dans les bars gay, 93 c'est mon tour de poitrine ». Et vlan, ça nous apprendra à vouloir jouer les curieux !
Foin de l'enrobage donc, car si le nom Jessica 93 éveille, certes, la curiosité, sa musique, elle, retient l'attention en beauté ! Dès la première écoute de « Who Cares », la magie – noire – opère. On aurait même tendance à regretter que l'album, comme les Fingers du sieur Cadbury, ne fût un peu plus long, bien qu'avec ses six titres, il forme un ensemble cohérent de presque quarante minutes. Ne pas hésiter à abuser de la touche repeat !


Transporté dès l'ouverture – quoi de surprenant avec un morceau intitulé « Away » – dans l'univers sombre et envoûtant d'une cold wave épicée d'influences variées, de la noise post-punk à la new wave en passant par l'indie rock US (de l'aveux même de Geoffroy). Vous l'aurez compris, la musique de Jessica 93 ne se laisse pas aisément résumer, ne s'embarrasse pas d'étiquette et ne mérite aucunement qu'on la fourre à la va-vite dans une case étriquée.
Les guitares sont âpres, denses, crades. Les basses puissantes, lancinantes, hypnotiques, notamment sur l'excellent « Sweat Dream » instrumental à l'atmosphère tout droit sorties des enfers. Les boîtes à rythmes et la réverb' voix sont savamment dosées. Le chant, alternant le français et l'anglais, est discret mais bien présent et ajoute à la noirceur ambiante son côté désincarné. Du sombre donc, oui, mais d'un noir flamboyant comme les reflets de l'obsidienne.


Côté technique, qui dit one man band dit contraintes matérielles. Eh oui, le gars n'a que deux bras ! Armé de sa pédale loop, il plaque ses rifs, tantôt tranchants, tantôt saturés, sur des boucles de basse ou de guitare. Shoegaze, rythmes envoûtants et mélodies à l'efficacité imparable, « Who cares » assène un son puissant et frénétique, à en réveiller l'épilepsie de Ian Curtis. Un album aussi sombre que lumineux. Résolument addictif.



Marlène.T

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mercredi 25 septembre 2013

Crocodiles - Crimes of passion (French Kiss Records)

Crocodiles ne serait-il pas le nouveau Jésus and Mary Chain ?
Possible, ce quatrième LP des Californiens de Crocodiles est fortement influencé par le groupe des frères Reid (avec la West coast et le Velvet en plus). Dix titres psyché/surf hautement mélodiques et pas un de plus. Ces gars-là vont droit au but.
Ce qui frappe à la première écoute, c'est ce que sous ce bordel de guitares fuzz, d'harmonies vocales, et de tambourins, on retrouve systématiquement une mélodie pop cachée et addictive. Et la formule fonctionne.
L'écriture de "Crimes of Passion" est soignée, plus de la moitié des titres pourraient assurer sans problème le rôle de single. Alors bien sur ce n'est pas la révolution de la décennie, mais ces mecs connaissent la formule, font le boulot et le font bien.Entre pop/surf song (Marquis de Sade ou Virgin), et des titres plus animal façon 13th floor elevators (Cockroach ou Heavy metal Clouds), le groupe tisse un pont virtuel entre l'Angleterre et la Californie. Les guitares acides se mêlent aux orgues vintage et aux chœurs noyés dans une réverb omniprésente. Mention spéciale pour She splits Me Up qui aurait pu figurer sur le premier Stone Roses une vingtaine d'années plus tôt.C'est avec cette manière d'écrire si anglaise que Crocodiles démontre son art de recouvrir ses obscurs garages songs d'une couche pop plus lumineuse. Comme l'accouplement du Velvet Underground et de My Bloody Valentine. 


La seule faute du disque, à mon sens, pourrait être le mix. Non pas qu'il soit foncièrement mauvais, au contraire, mais à vouloir systématiquement «sonner comme du vieux» sur tous les disques, attention à ce que la personnalité artistique du groupe ne se retrouve pas bouffée par une production trop typée. Le vintage doit avant tout se vivre et moins être une mode. Le GROS point fort du disque est la qualité des morceaux, dans leur écriture, leur construction. Le groupe raconte sa vie dans ce disque et cela se ressent même sans traduction. Ultra efficace sur l'album, ils passeront sans problème en live sur une scène underground d'un club de la côte Ouest. Pas complètement garage, mais trop instinctif pour de la musique britannique. Avec ce "Crimes of Passion", Crocodiles devient le plus anglais des groupes psyché américains et signe un album honnête et assez efficace pour les faire passer en vitesse de croisière.
Guillaume ANDREA

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Site officiel: http://killkillkillcrocodiles.blogspot.fr
Label: http://www.frenchkissrecords.com
 

mardi 17 septembre 2013

The Future Primitives (Voodoo / Groovie Records) - Into the Primitives

« Écoute Maurice », dit un jour mon voisin Robert à son beau-frère, qui s'appelait justement Maurice, à l'époque puissamment angoissée par l'imminence manifeste de son décès pronostiqué par le cancérologue du coin, particulièrement lucide sur ce coup-là. « Écoute Maurice », donc, « la mort, je commence à en avoir plein le cul ». Bon, vous commencez à connaître Robert, sa rhétorique est toujours du plus bel effet en société. Fulgurante. À sa décharge, Maurice venait, il est vrai assez souvent se décharger la conscience d'interrogations légitimes vis-à-vis du trépas. Et Robert, lui, comme vous le savez, préfère nettement penser à comment réussir à tringler la sœur de Maurice plutôt que de se faire des nœuds dans la tête avec ces histoires de je vais clamser et j'ai peur. Quelques godets d'apéro maison et c'est parti, Cicéron peut aller se rhabiller, la machine à penser s'est mise en marche. La mort peut donc remplir un rectum à s'en faire déborder l'anus.
Et si ? Et si j'avais dû à ce moment précis aller chez Robert, un disque sous le bras, afin de lui démontrer que la mort, c'est assez riche pour ne pas s'en lasser. Mh... Opération suicide version kamikaze à la ceinture d'explosifs, objecteriez-vous. Que nenni ! Je crois que j'aurais choisi le dernier album des futures Primitives. Drôle de choix, me diriez-vous. C'est un choix, vous rétorquerais-je. Surtout qu'il y aurait eu paradoxe temporel puisque je vous parle d'un temps lointain où Raymond Domenech avait encore quelque crédit en tant que sélectionneur d'équipe de France, tandis que Into the Primitive n'est à cette heure pas encore disponible. OK. Acceptons, je vous prie, le principe de l'uchronie, sinon on ne s'en sortira pas. Pour information, Robert ne connaît pas l'uchronie. Robert, le dictionnaire, pas mon voisin. Robert mon voisin, lui, est une uchronie perpétuelle. Tenez, il croit encore que c'est normal de tuer les cochons avec des grands couteaux. Bref.
Visualisons la scène : flanqué de Maurice, petit et frêle dans son costume de sursitaire, et de la Janou, la sœur de Maurice, Robert aurait trôné au fond de l'impasse, fier comme un pape dans son débardeur vert XXL siglé Tropic Banana et illustré de quelques fruits du même nom, les avant-bras posés sur la table pliante en formica, ses énormes mains occupées à écosser quelque flageolet et m'auraient interpellé avec sympathie :
 - Alors ? C'est quoi dont qu'tu trimballes là ?
M'interrogeant in petto quant à la légitimité de mon probable coup d'éclat, pas bien rassuré, j'aurais probablement bafouillé :
 - Euh, ch'tai entendu, d't'a l'heure, et c'était heu pour te dire que la mort, hé ben ça peut êt' cool.
Un froid s'installe immédiatement. Le temps se suspend. Dans une impasse brûlée par le soleil, à l'abri de tout souffle éolien, une goutte de sueur coulant le long d'une tempe est le seul mouvement perceptible. Une main épaisse chasse négligemment une mouche posée sur un menton mal rasé. Maurice sait qu'il va mourir, et ça lui fait de peine d'entendre des conneries pareilles, il va pas tarder à se mettre à gueuler. La Janou, faut pas toucher à son frangin, sinon ça va chier. Donc, ça va chier.
Et Robert, lui, il a peut-être pas bien compris, alors il demande :
 - Ah bon ?

Je n'ai pas droit à l'erreur. Il faut que j'enchaîne immédiatement, sinon c'est foutu, ils vont gueuler trop fort, je ne pourrai plus faire entendre ma magistrale démonstration. D'un geste vif, je me saisis du disque qui était, rappelez-vous, sous mon bras et je bloque toute velléité de leur part en interposant la pochette du 33 tours que voici : trois jeunes gens, côte-à-côte, chacun le visage dissimulé par un crâne décharné très manifestement humain qu'il tient de ses deux mains. Au dessus, comme gribouillé vite fait, le nom du groupe et le titre du disque. Maurice déglutit parce que merde, quand même. Robert se demande à quel moment il a commencé à plus rien comprendre. La Janou monte en pression, la jauge est dans le rouge. C'est le moment que choisit Gilbert, le fils de l'un et par conséquent neveu des deux autres, pour se pointer, protubérance abdominale lipidique en avant et regard charolais, les mains coincées dans les poches de jean's trop serré. Notons que ce personnage, de par son indigence existentielle, ne jouera strictement aucun autre rôle quant au dénouement de la scène qui se déroule au ralenti sous nos yeux anxieux.


La pochette, donc, les scotche. Les premières trépidations rythmiques du titre éponyme, Into The Primitive, claquent dans l'air chargé d'ozone. Poum tap poum tap poum tap poum tap ; une série de larsens et c'est parti pour la grosse calotte, fuzz et mélodies imparables, voix déchirée, saturée, couinements lors du refrain, trois notes sonores en guise de leitmotiv, un solo qui dégénère en magma, prenez ça dans la gueule les voisins.
Puis ça enchaîne sur du garage punk au son de guitare sec comme les couilles à Taupin (Girl Like You, expédiée en moins d'une minute trente, ou encore You Lied), de l'arpège surf (In and Out, faut-il y voir une connotation sexuelle à destination de Robert ?), des morceaux tout en tension émotive (Every Night) que n'auraient pas reniés The 13th Elevators période Psychedelic Sounds, ou The Seeds version Try to Understand, ce qui est un compliment, ce dernier exemple étant pour moi une des plus grosses tueries du rock'n'roll. Bon, je ne vais pas vous en faire la liste, le reste est à l'encan, avec des hauts et des bas, sans trop de surprise hormis celle d'avoir dans les oreilles une telle maîtrise de la composition et des passages obligés du surf-garage-psyché. Un petit bémol, cependant : la perte de puissance due aux solos. Ben oui, y'a pus d'guitare, rhôô ben merde, y peut pas tout faire.


Tout ça pour dire que mes voisins se prennent donc une bonne avoinée dans les oreilles, pendant 37 minutes, ils ne peuvent pas dire de conneries et moi j'ai écouté un putain de bon disque, j'en reviens toujours pas. Je n'ai probablement pas persuadé mes interlocuteurs de la pertinence du décès, encore que Maurice ... Il est peut-être convaincu que la mort, ça peut être de la bombe. Mais allez savoir... ça fait un moment qu'on n'a plus de nouvelles.

Nicopoint G


lien

labels :
Groovie Records : http://www.groovierecords.com/


mercredi 4 septembre 2013

Georgiana Starlington (Hozac Records) - Paper Moon

Brigitte Bardot et Lady Di sont intellectuellement déroutantes. Remarquez, je ne leur demande pas de penser, j'attends d'elles qu'elles pondent. Brigitte Bardot et Lady Di sont des poules. Mes poules. Une orpington et une Bressane, très exactement. Mais sont-elles réellement stupides ou font-elles preuve d'un instinct de survie assez surprenant chez cet animal que l'on ne rencontre que très rarement à l'état sauvage ? Tenez, l'autre jour, j'ai négligemment jeté aux pattes de Lady Di et de Brigitte Bardot des têtes de poissons fraîchement pêchés. Diantre. Quel étrange ballet autour des intrus dans l'enclos ! Et va-y qu'elles mettent un coup de bec en vitesse pour voir si ça bouge, mais en même temps, ces yeux qui les fixent leur font peur, elles en oublient que leurs lointains ancêtres faisaient régner la terreur dans les clairières de l'extrême fin du crétacé et se réfugient sous l'ombre protectrice des framboisiers proches. Et puis reviennent. Et recommencent. Cette chorégraphie dure un temps suffisant pour permettre à l'observateur avisé de se lasser et d'aller voir s'il n'y avait pas plutôt des œufs, parce qu'on n'a pas que ça à faire, yen qui bossent, non mais, ou alors un apéro chez Bébert...
Hé bien figurez-vous que je me retrouve dans le rôle d'une poule, ce qui n'est pas franchement confortable : Rock à la casbah, afin de remplir sa boîte à œufs casbah Chronicle, a jeté des têtes de poissons dans mon enclos. Et depuis, comme Brigitte Bardot et Lady Di, je tourne autour. Je mets un coup de bec et je vais me cacher dans les fougères. Je cherche à comprendre. Je tente d'en définir le goût et la dangerosité. Et puis ces yeux qui me regardent m'effraient.
Ainsi, Georgiana Starlington. Côôôôt... Un coup de bec : qu'est-ce que c'est que ça ? Ça a plutôt bon goût... Côôôôt... Autre coup de bec : on dirait du Leonard Cohen (Louise Louise)... Côôôôt... On croirait du Bad Seeds version Murder Ballads (Brave Wolf). Côôôt... Oh mais ça a des airs de Chris Isaac féminin (Dry as A. Bone). L'atmosphère très éthérée créée par la voix de Julie Hines n'est pas sans rappeler Mazzy Star (Days of Heaven). Les questions se bousculent : c'est quoi ce groupe avec un nom de fille alors que ce n'est pas seulement une fille qui chante, mais un type aussi, et super souvent, en plus. Remarquez, ils ont l'air de bien s'entendre. Pour le néophyte en folk, en country et autres musiques plus ou moins acoustiques, il est assez difficile de se risquer à décrire sans heurter la sagacité du connoisseur spécialiste es- guitare qui ne fait pas de bruit. Il y a toujours le moyen de dire que c'est plutôt pas mal, ce qui peut passer pour un compliment. Mais ça n'est pas suffisant, puisque cet album, Paper Moon, a retenu mon attention dès la première écoute et le très accrocheur morceau d'ouverture, Hard Grave. Les morceaux s'enchaînent ensuite, très apaisants, même si certains sont fatigants de niaiserie musicale (The Océan, pompeux même dépourvu de violons)... Certains jours, il peut apparaître que, progressivement, trop de langueur tue l'attention et donne sérieusement envie de dégainer sa tronçonneuse thermique et de la brandir la nuit du solstice d'hiver, nu dans une école désaffectée plantée sur un plateau battu par les vents du Nord qui n'apportent que froid et le désespoir. On a envie que ça envoie un peu du bois, quoi.
Peut-être ne suis-je pas encore prêt pour ce genre d'expérience ? Pourtant, Georgiana Starlington est composé de Jack et Julie Hines, membres de K-Holes, ce que je n'aurais jamais deviné seul tellement l'ambiance est radicalement différente, tu m'étonnes, j'ai vachement moins les oreilles qui saignent, et pour au moins l'un d'entre eux, ancien des Black Lips, histoire de dire que l'on n'est pas face à des tocards. Donc, en conclusion, Georgiana Starlington est un groupe de musique calme avec des guitares qui font dling au lieu de faire dvvvvvvvvvvvvv, avec des gens de sexes variés qui chantent de manière douce, environ une douzaine de morceaux, plutôt bien troussés, et au kiffomètre gallinacée, équivalant aux pépins de melon, c'est peu dire.
NICOpointG


jeudi 4 juillet 2013

The Future Primitives (Casbah Records/Dangerhouse Skylab) - Songs we taught ourselves


« Quinze ans ! … Depuis sa ménopause !... Quinze ans que j’peux pas la sauter !... Nan mais ! Faudrait voir à arrêter ces conneries, hein ! ».
Robert, Henri Vincenot du XXIème siècle. 

Robert, c’est mon voisin. Et mon voisin Robert tente depuis des années de s’économiser une psychanalyse en développant une méthode personnelle, ingurgitant force vin rouge, pour ensuite satisfaire à une nécessité subséquente à l’ingestion massive de liquide tout en lançant des salves d’invectives à la face de la Lune à l’heure où l’humidité de la rivière paresseuse et proche s’étale dans la vallée, diffusant la délicate et enivrante odeur du chèvrefeuille qui envahit alors l’atmosphère. Méthode qui ne laisse pas de m’étonner par son manque flagrant d’efficacité, mais n’étant ni soignant ni soigné, peut-être suis-je mal placé pour émettre quelque jugement que ce soit quant à l’efficience thérapeutique de la chose.
Si je pouvais alors te donner un conseil, Robert, sans prendre dans la gueule quelque objet contondant lancé avec une force respectable au vu de ton état, ce serait celui de jeter une oreille sur la nouvelle recrue de Casbah Records, The Future Primitives. Un groupe sud-africain qui reprend ici un certain nombre de classiques du rock garage et surf. Et c’est fait pour toi, Robert,  le rock garage : un savant mélange d’alcool et de frustration sexuelle, autant dire ton quotidien. Et si ça pouvait t’éviter de pisser dans les rosiers, ce serait toujours ça de gagné, à cause que ça pue…



Il est certain que, te connaissant, tu préfères aller guincher au son de l’accordéon à la salle polyvalente la plus proche, mais pose-toi une minute et écoute. Tout d’abord, les morceaux datent des années 60, pile l’époque où tu as engrossé la Jeannou au bal de Poilly et qu’elle s’est pris une trempe par sa mère quand elle est rentrée à la maison. Ça te rappellera des souvenirs. Et franchement, les jeunots de The Future Primitives ont bien bossé, on s’y croirait. Leur son est sec comme un coup de trique. Ah oui, c’est vrai, il ne faut pas te parler de trique. Comme ta gnôle, si tu préfères, c’est vrai qu’elle est bien raide, on peut pas lui enlever ça… Et le ratafia que tu fabriques avec dévoile les mêmes qualités que Songs We Taught Ourselves : c’est tranquillou au début, on se dit qu’on sent bien le sucre et que ça a bon goût, enfin, que ça a un goût, et puis paf ! au troisième verre, ça monte au cerveau tout d’un coup. Do the Ostrich, ça s’appelle. Ensuite, ça déroule : du surf sur la crête de la cuite (Every Up), les mâchoires un peu crispées (Tell Me Where’s That Girl), de l’hyperactivité alcoolisée à la limite du cas de dopage (Zig Zag Wanderer), s’enchaînent périodes de tension et accalmies salvatrices (She’s Mine, We Sell Soul), mais ça emmène quand même un peu, et puis houuuuu c’est reparti. Love At Psychedelic Velocity, puis The Fly te remettent une vieille montée de derrière les fagots. Et je t’en passe, et des meilleures. Ils se sont fait leur petite compil Nuggets perso, en somme, ou guère de moins. Par moments ne manquent même que quelques menues salves de cruchon tougoudougoudou pour croire écouter The 13th Floor Elevator, c’est dire.




Alors tout ce que peux faire pour toi, Robert, c’est te conseiller d’arrêter tes stupéfiants maison et de passer à la came sud africaine. Ça ne te guérira pas, mais tu auras moins mal à la gueule le lendemain…
 NICO
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lundi 1 juillet 2013

Pedico (unsigned) - Red Blooded Surf Hunks

What's this fuckin' name ? A été la première exclamation qui m'est venue à l'esprit lorsque j'ai découvert ce trio surf punk new-yorkais. Peut-être que ce groupe se plie à la nouvelle mode de l'acronyme façon Fidlar et que Pedico pourrait signifier " Perhaps dying is cool " ou '" Pet's Dick Corner'' ". Je n'en sais rien mais ce qui est certain c'est que ce nom est mauvais m'inspirant le mot pédicure ou pire un groupe latino festif. Pedico n'a encore aucun album a son actif mais déjà quelques chansons commencent à arriver sur la toile via leur compte soundcloud. Vous devez tenter d'imaginer la qualité ou le carnet d'adresses du groupe pour qu'a parle d'eux de l'autre côté de l'Atlantique alors qu'ils n'ont encore rien produit.
Il y a presque 40 ans, les Ramones hurlaient sur la scène du CBGC qu'ils sniffaient de la colle pour s'éclater, c'est au tour de Pedico de glorifier la bière, la pizza, les filles faciles et la cocaïne sur des scènes beaucoup moins emblématiques. Dans le football, les journalistes français voient des nouveaux Zidane ou Platini dès qu'un péquin moyen enchaine deux passements de jambe. Et bien dans le punk la comparaison avec les Ramones est aussi systématique et usante. Alors lorsque le groupe vient direct de New York, filent des tubes pop punk à la vitesse de l'éclair façon Blitzgrieg pop et clame haut et fort sa futilité autant dire que la filiation ne fait aucun doute mais qu'on rechigne à l'écrire. 


You Can't Get AIDS If You Never Get Tested by PEDICO

Avec des titres tel que You Can’t Get AIDS If You Never Get Tested, White Bread in Porto Rico ou My girlfriends blacks n'ont qu'un objectif celui de se marrer. Vous ne trouverez pas de chansons contestataires dans le catalogue de Pedico, aucune revendication, pas de luttes contre la vilaine finance et l’abominable George Bush. La futilité pour seul étendard, quelle bonne définition. Côté musique actuelle, l'envie de citer la référence Fidlar est assez facile mais tellement vraie. Un punk simpliste et efficace, des mélodies troussées à la perfection et des choeurs quasi pop pour sautiller avec le sourire. Pedico est plus surf que Fidlar, plus sale gosse que les Allah Las, aussi garage que les Stranges Boys (premier album) et moins nineties que Waves. 



L'album devrait arriver bientôt, ils ne sont pas encore signés sur un label autant vous dire que nous espérons que leur vinyle traversera l'Atlantique sinon la casbah sera tentée de s'en occuper.

M.ARTY

mercredi 26 juin 2013

The Growlers – Hung At Heart (Everloving Records)


La vie contemporaine est par trop trépidante et nous oublions souvent d’où nous venons, sans savoir où nous allons. Il faut savoir se retourner, s’appuyer sur la sagacité de certains d’entre nos Anciens, brillant d’un passé glorieux comme des phares dans la nuit, voyant plus loin que l’horizon, nous extirpant des Âges Sombres auxquels nous nous croyions condamnés. Grâces leur soient rendues pour nous avoir montré le chemin vers la Lumière.

Patrice de Mac-Mahon, le 26 juin 1875 : « Que d’eau, que d’eau !»
Hé ouais mon gars, c’est la Californie ! Cette étendue d’eau que tu contemples, engoncé dans ton uniforme désuet avec tout plein de boutons dorés et de trucs qui pendouillent, ça s’appelle L’Océan Pacifique. Alors tu m’enlève ça, tu dois salement transpirer là-dedans, c’est mauvais pour ton cœur, tu m’enfile une chemise à fleurs et tu vas batifoler avec ces superbes naïades semi-dénudées qui lézardent sur le sable, ça te rappellera les bordels militaires de campagne. Oui, elles ont les seins qui tiennent debout tout seuls, ça s’appelle le silicone, tu ne connais pas, ça fait drôle au départ, et puis on s’habitue. Tu peux garder ta moustache, c’est super mon coco, ça plaît aux filles.
Tiens, je vais te présenter tes nouveaux amis, de jeunes moustachus sympathiques, inventeurs du beach goth, sorte de gothique balnéaire, ou surf music de fumeurs de joints (on n’est pas ici chez les Trashmen, c’est le moins que l’on puisse dire). Ça te changera de tes grenouilles de bénitiers habituelles, les types en robe, tu peux les oublier. Tu vas voir, ça va te détendre. 



Mais attention ! La gaudriole, ça ne va qu’un temps. Ne vas pas croire que The Growlers vont rester sur la plage à fumer des bières, les poings sur les hanches, le bide en avant, avec le sable qui gratouille un peu entre les deux orteils qui retiennent les tongs. Tu commettrais alors une belle erreur : ils bossent sacrément, ces garnements. Et ils nous gratifient d’un album généreux dans sa durée comme dans sa qualité. Tout en évitant le son qui pue le rock de stade, ces teigneux n’ayant pas cédé aux sirènes du succès garanti made by Dan Auerbach, péché auquel d’aucuns n’ont pas su, hélas, récemment résister.


Edouard Balladur, 4 novembre 1993: « Je trouve qu’il fait chaud… »
Bien vu, Ed’, il fait chaud, très chaud ! Non qu’il s’agisse d’une référence au précédent opus des Californiens, le délicieux Hot Tropics. Non, c’est l’atmosphère de Hung At Heart qui est chaude bouillante. La mollesse présumée lors des quelques premières écoutes cache en réalité une sensualité languide et lancinante. La basse, chaloupée, les guitares, sinueuses, et la voix indolente nous bercent pour mieux nous faire des choses. Je ne veux pas savoir lesquelles.
A ce propos, nous pouvons opérer un rapprochement assez évident avec l’ancien Premier ministre : ni l’un ni les autres ne sont Jello Biafra. Les saillies colériques ne font clairement pas partie de leurs panoplies respectives. Le chant adopte une décontraction qui semble être à toute épreuve. Peut-être parce qu’il fait chaud, en Californie. Alors tout dans ce disque est cool. L’orgue est mélancoliquement cool, la basse est cool et dansante, la guitare, très connotée surf, reverb à donf, est cool. Même la batterie est cool. Et le chant est méga cool. Balladur, lui, n’est pas cool. Il devrait écouter The Growlers.



Jacques Chirac, juillet 1998 : « Si, il y a six mois, on nous l’avait dit, on aurait signé tout de suite ! »
Si, il y a six mois, on nous avait dit que nous irions par les chemins de nos belles provinces, le coude à la portière, béatement bercés d’une atmosphère musicale décontractée et baignée par un radieux soleil enfin estival, blés et orges, percés de ci, de là d’écarlates coquelicots, ondulant dans la légère brise balayant les timides reliefs s’étendant à perte de vue, nimbés des subtiles nuances du bleu de l’horizon, de délicates nappes de brume s’élevant au dessus des vertes vallées creusées par le patient travail de l’eau chantant entre les pierres, franchement, on aurait signé tout de suite.
NICO


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lundi 24 juin 2013

Sexy Sushi - Vous n'allez pas partir les mains vides

Et voilà la schtroumfette Warrior et le grand DJ schtroumpf de nouveau sous l’emprise des champignons.  Dans la forêt angoissante et drôle ou ils s’enfoncent poursuivis par Billy Ze Kick,  ils longent des rivières de synthèse en fredonnant des chants cathartiques ou on ne rêve même plus d’être ailleurs.
On aperçoit Gogol 1er au détour d’une clairière qui  blasphème au travers du corps de la schtroumfette Warrior, il dispute ce canal vocal fascinant à la pureté insouciante des chants de l’enfance.
Des peurs bleues, des nuages noirs, de la magie blanche, des monologues intérieurs mis à jour sur des pistes de danses improvisées sous les arbres en polystyrène et les fougères en plastique, un conte cruel de la jeunesse,  bienvenu dans « vous n’allez pas repartir les mains vides » le dernier disque des Sexy Sushy.


STiMBRE



dimanche 16 juin 2013

WIMPS - Repeat (End Of Times Records)

Wimps est un trio punk cérébral de Seattle. En fin d'année 2012, dans une sorte d'élan médiatique rare pour un groupe naissant, Wimps a lâché un premier single Nap annonciateur d'une sortie officielle en mars 2013. Nous avions diffusé ce titre dans nos émissions et il inaugura même notre première compilation gratuite que nous offrons aux abonnés à notre newsletter. Nap avait fait plus qu'attirer l'attention du geek rock garage que je suis capable d'être parfois, il avait éveillé l'intérêt de Pitchfork, le faiseur de tendance . Il faut dire que Nap avait tout du tube. Une construction punk ,déstructurée, mais avec un refrain entêtant, le chant de Rachel Ratner mi-éructé mi-mélodieux rythmant une chanson à l'efficacité rare. Trois mois s'écoulent et l'arrivée de l'album ''Repeat'' fait flop. Pas de presse, pas d'écho, rien. Un silence lourd qui pourrait s'expliquer par la sortie simultanée de mastodontes tels que Thee Oh Sees, Hanni El Katib ou The intelligence. Loin d'être un groupe majeur, The Intelligence reste le combo prioritaire de Dave Ramm qui tient la rythmique de Wimps. Les priorités promotionnelles de The Intelligence ont dû mettre sous silence les envies d'exister de Wimps. Pour enfoncer le clou autant dire que Wimps ressemble plus à une récréation pour chacun des membres qu'à un projet à part entière. Initialement formé par le bassiste Matt Nice du groupe Meth Teeth, et par la suite rejoint par Rachel Ratner de Butts et Dave Ramm de The Intelligence. Sorte de cinquième roue de carrosse, Wimps serait-il condamné à n'exister que sur album et sans promotion ?



Ce serait vraiment dommage tant ce premier opus est convaincant. Jouer pour le fun, ne pas se poser de questions est une garantie d'authenticité et de liberté. Repeat, titre homonyme de l'album est un joyau punk riche aux rythmiques saccadées et réfléchies avec un refrain névrotique "when, your, life, seems, stuck, on, repeat, eat, sleep, eat, sleep, eat, sleep (repeat)". à deux voix Rachel répondant à Matte. Que dire de l'ouverture quasi suicidaire du disque sur sleep late qui n'a aucun début qui claque au visage comme une gifle soudaine. On sent évidemment la patte de The intelligence sur le trio avec des titres tel que Grump ou Quit your job et ses guitares anti-mélodiques qui vous font de la note par note pour désorienter l'auditeur. 


Wimps vient de commettre son premier opus repeat sur un jeune label " end of time records " et ce disque vaut le détour. Quel bonheur ! Entendre du punk orchestré par de bons musiciens qui s'amusent à intellectualiser un style qui ne mobilise que peu de neurones en état de marche. Pitchork avait même évoqué un punk dadaïste. Je n'irais pas jusque-là, car j'ignore tout du dadaïsme. Donc sans aller aussi loin, je peux vous assurer que Wimps, c'est du putain de bon punk fait avec beaucoup d'intelligence et que je rêve de les voir sur scène un jour.

M.ARTY

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mercredi 12 juin 2013

Feeling Of Love - Reward your grace (Born Bad Records, 2013)

Ça y est, je suis un vieux con...
J'ai découvert The Feeling Of Love alors que "OK Judge Revival" venait de sortir et ça m'a plu instantanément. Enfin, quelques titres parmi les plus évidents. Puis j'ai insisté. Il y avait d'authentiques morceaux de Velvet dedans, et d'autres choses encore, fort nouvelles pour mes oreilles que je croyais blasées. Alors ça a tourné. Et pas qu'un peu. Puis "Dissolve Me" est arrivé à la maison et j'étais tout triste. Beuh... C'est quoi ce truc ? Non, cela ne se peut... Nonobstant cette première décevante, à force d'insistance, cet album s'est imposé comme un des best-of personnels. Finis les guitares qui font saigner les oreilles et les morceaux un peu anecdotiques. La composition s'est affinée tout en s'apaisant, la production a permis au son de prendre une autre ampleur, rhôô que c'est bon. La bande-son idéale pour accompagner tout déplacement automobile dans l'immensité déserte et désolée de plateaux céréaliers écrasés par un plafond nuageux aussi bas qu'anthracite et tourmenté ou pour meubler l'intérieur d'un salon confortablement intimiste et réchauffé par un feu de bois après une rude journée de labeur. Un album total.
Ces sentiments sont sortis renforcés d'un impeccable concert au Clacson, malgré une atmosphère étrange due, selon des sources d'une fiabilité très douteuse, à un plat de lasagnes... Une tension communicative chez chacun, une guitare finement torturée, des morceaux martelés (quel jeu de batterie !), parfaitement maîtrisés, un public sous contrôle. Trop bien. J'aime ce groupe, vraiment. Et cette déclaration d'amour a de l'importance.


L'impatience était donc de mise : un nouvel album, vite !
Le split 45 t partagé avec Ty Segall, avait un peu calmé les crises de manque, le j'en veux toujours plus, la soif d'encore. Provisoirement, car l'envie de sensation de l'amour est revenue bien vite, trop vite. Enfin, un bruineux matin d'avril, la voiture de la gentille postière a stoppé devant chez moi et, nimbé d'un seul et unique rayon de soleil cisaillant la printanière grisaille basse-bourguignonne, un carton d'une cinquantaine de centimètres de côté sur une épaisseur de quelques uns à peine a comme flotté jusqu'à moi au dessus de quelques stères de charme jetés en vrac, alors que j'étais bien emmerdé avec cette " %&#$µ£ "  de tronçonneuse, en fait c'était parce que je n'avais pas bien nettoyé l'arrivée d'huile de chaîne et ça coulait de partout sauf là où il fallait que ça aille, c'est-à-dire sur la chaîne, qui avait logiquement tendance à chauffer et donc à s'émousser et franchement, il faut le reconnaître, il y difficilement plus contre-productif que ce type de situation. Malgré l'excitation palpitant mon malheureux muscle cardiaque, il m'a fallu attendre le soir pour profiter de la nouvelle livraison.
Au crépuscule, le bois sec crépitait dans la poêle, réchauffant une atmosphère rendue solennelle par l'importance du moment. Les premiers symptômes de l'émoi commençaient à se faire sentir : la bouche sèche, les oreilles en feu, le cœur battant la chamade, oh mon dieu, cet énorme disque n'entrera jamais dans ma petite platine toute moite, tout ça.
Et c'est à ce moment précis que je suis devenu un vieux con.
Il y a eu le truc classique : Beuh... C'est quoi ce truc ? Non, cela ne se peut... Et si... Bon, sur le coup, je n'ai pas vraiment paniqué : je connais le coup maintenant. Première écoute décevante, puis montée progressive vers l'orgasme et sourire béat post-coïtal classique. Sauf qu'on est maintenant en juin et que toujours rien... Merde. J'ai lu les chroniques des autres, dithyrambiques, lu de très intéressantes interviews-explications morceau par morceau, écouté, réécouté. Des portes se sont ouvertes, des morceaux dévoilent leurs qualités, certaines. Mais y'a comme un truc...


Place maintenant à l'analyse du pourquoi du comment. Je ne vais pas refaire l'album morceau par morceau, d'autres que moi l'ont déjà fait, et bien mieux que je ne le pourrais. Je crois sincèrement que c'est une question de goût personnel. La tournure "pop" est volontaire, assumée par les membres du groupe et moi je n'aime pas la pop (à me relire, ce que je viens d'écrire est complètement con, mais j'ai décidé d'assumer). Mais cela ne peut s'arrêter là. Les morceaux sont-ils mauvais ? Loin de là ! Et je m'en voudrais de penser et d'écrire ce genre de chose concernant un groupe dont la musique comme l'attitude m'impose le respect. Mais je n'accroche pas. La preuve, c'est que même si je n'accroche pas, je sifflote. Je persiste, les morceaux n'ont rien de mal composé, au contraire, ils se sont complexifiés, sont plus ambitieux, plus aboutis. Mais The Feeling Of Love excellait dans la répétitivité (on a assez cité les influences krautrock, Suicide, Spacemen 3, etc, les concernant), dans la transe. Or, je n'arrive pas à retrouver cette lancinance réitérative, à prendre cette calotte tant espérée (à l'exception notoire de Castration's Fields, morceau fascinant incarnant le plus mes attentes feelingoflovesques, ou de I Could Be Better Than You, But I Don't Wanna Change, déjà présent sur le split susnommé). Et pour ce qui me concerne, c'est là que le bât blesse : flotte une atmosphère d'étrange légèreté à laquelle j'ai du mal à me faire... Encore qu'en concert, l'atmosphère de tension imposée par ce groupe majeur de la scène française doit sublimer ces mêmes compositions (mais pourquoi évitent-ils consciencieusement de jouer à moins de 250 km de mon domicile ?).


Cette idée m'amène à un deuxième élément d'explication : la production. Je suis loin d'être un spécialiste de la chose, mais à force d'écoute (car j'insiste !), deux aspects m'ont particulièrement sauté aux oreilles. Le son est propre, presque trop, et donne une teinte très 90's aux morceaux, qui n'atteignent pas de ce fait l'intensité rêche des albums précédents. Et la batterie de Seb Normal, sur laquelle j'avais bloqué comme jamais auparavant, sonne plus "molle", moins présente, plus classique, en somme. Et je crois que pour ma part, c'est là que tout se joue. Ce disque, nonobstant des qualités intrinsèques indéniables en terme de composition, sonne classique, moins dense, moins torturé (malgré des thèmes lugubres, puisque tournant globalement, pour ce que j'en ai compris, autour de la mort). Et l'auditeur que je suis éprouve des difficultés à s'immerger pleinement sur la longueur, ne retrouvant pas la densité de l'album précédent. Merde, non, pas ça, pas "c'était mieux avant", je m'étais promis, pourtant... Quand je vous dis que je suis devenu un vieux con...
LA GOGNE