mardi 3 décembre 2013

The Growl – What Would Christ Do

(putain, j’arrive même pas à trouver sur quel label ils sont)
La vie est pleine de surprises. Tenez, l’autre jour, je déambulais paisiblement sur quelque plage californienne, un de ces endroits gorgés de baywatchs plantureuses, quand j’avisai un individu dont le visage ne m’était pas inconnu, mais qu’il m’était impossible de remettre précisément. Un visage dont la partie inférieure semblait faite des chamallows de notre jeunesse scoute, vous savez, ces friandises plantées sur un bâton et fondues au feu de bois de la veillée, tandis que s’élevaient dans les airs les ris et les chants de la naïve et adolescente insouciance. Une chemise bariolée ouverte sur un ventre mou mais généreux débordant du short à fleurs. Une calvitie rubéfiée par l’astre solaire. Un port un peu raide, vestige d’une éducation stricte et prégnante. Un regard étonnamment malicieux. Cet homme tenait par les hanches deux nymphes, superbes et manifestement peu farouches. M’approchant, mû par une force mystérieuse qui ressemblait fortement à de la curiosité, je tombais des nues en mettant enfin un nom sur ce visage qu’estompait la brume du temps qui passe. Stupéfait, je ne puis que bafouiller :
  • Monsieur le Premier Ministre ! Votre Suffisance ! Mais… Que faites-vous ici, dans cette tenue ?
Evidemment, il était très difficile de reconnaître l’ancien chef du gouvernement, hilare, tant l’image d’un homme austère en costume trois pièces à la sobriété anthracite et molle était gravée dans un cortex peu enclin à une aussi brutale remise en question des certitudes.
  • Nico.G, n’est-ce pas ? Détends-toi, tout ça, c’est de l’histoire ancienne, j’ai beaucoup changé, tu sais. Tiens, appelle-moi Ed.
  • Bon sang ! Ed !!! Mais que fais-tu ici ? Cela ne se peut ! Et Karachi, tout ça ? On t’a laissé partir, tu as pu venir aux Amériques ?
  • Oh oh oh ! Que veux-tu que j’aille foutre au Pakistan ? J’aime regarder les filles qui marchent sur la plage, leur poitrine gonflée par le désir de vivre, et avec les Pakistanaises, on voit que dalle.



Je ne reconnaissais plus Edouard Balladur. On nous l’avait changé. Et qu’était-ce que cette obsession pour le sexe opposé ? D’autant que je faisais plutôt allusion à ses déboires judiciaires.
  • Ah ?, me répondit-il alors, ça, c’est terminé, j’ai payé ma dette à la société et maintenant, je suis tes conseils, je suis cool, j’écoute les Growlers, je bois de la 8.6 sur l’estran en regardant le soleil se coucher, je butine ces magnifiques fleurs des plages aux douces fragrances, la vie est belle.
  • Mais t’es con comme un footballeur, Edouard ! Arrête de penser avec ta bite, t’entends pas que c’est pas The Growlers ? Hé gros ! c’est The Growl ! Tu sais plus lire, ou quoi ? Tu n’as rien à faire en Californie, c’est l’appel de l’Australie que tu sens là !
Le visage jusqu’alors rayonnant d’Edouard se ternit immédiatement. Le silence s’imposa. Les deux filles commençaient à se tortiller, à s’agiter nerveusement. Je compris que j’avais brisé une alchimie subtile, promesse d’un bonheur béat. Il fallait que je dise quelque chose.
  • Je comprends que tu te sois fait avoir, ils ont des moustaches, c’est un peu pareil, alors, bon… Mais c’est un peu plus nerveux, quand même, non ? Enfin, c’est pas tout-à-fait ça, mais bon, euh… Ce n’est quand même pas la même ambiance ! D’ailleurs, ils ont joué avec Tame Impala, tu vois, ils font partie des groupes plus produits, plus rock classique. C’est pas la plage, leur truc, Edouard. Ou alors ce n’est pas évident au premier abord. C’est clairement moins décontracté, plus sec, percutant, plus blues. C’est beaucoup plus bruyant, aussi, surtout au début du disque. Et, au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, ce n’est pas le même chanteur. En même temps, maintenant que tu le dis, il est vrai qu’il a du charisme, la voix rauque et des choses à raconter. OK OK OK, ne vas pas t’exciter, c’est du psyché-quelque chose aussi, tu sais, le mot qu’on met à toutes les sauces, mais vraiment, tu conviendras que l’atmosphère n’est pas du tout celle des Growlers. Un peu plus électro, dans les rythmes, l’espèce de caisse claire, là. Et pas d’orgue du tout. Bon, il y a tout plein d’instruments, genre piano, harmonica, p’têt’ bien même du banjo. Alors quoi ? C’est un peu plus grandiloquent, malgré tout. Mais tu déconnes, Edouard, on peut pas confondre.


L’abattement se lisait sur les traits de mon nouvel ami. Je sentais que mon consentement lui importait et que j’avais été trop brutal. Je compris alors que sa récente et radicale transformation l’avait fragilisé. Les larmes coulèrent le long de ses joues tombantes. Ses épaules s’avachirent, ses bras se relâchèrent, libérant de leur étreinte les deux surnaturelles gourgandines. Il me jeta un regard triste, qu’il détourna sans hâte vers l’Océan, jadis promesse de tant de bonheur. Edouard Balladur se détourna, s’éloigna à pas traînant, les épaules toujours écrasées du poids des années et des avanies. Fatigué de tout. C’est ainsi qu’il disparut de mon existence. Pathétique.
Les filles me regardaient toujours. Je sautai sur l’occasion :
  • Et vous, vous aimez les Growlers ?

lundi 2 décembre 2013

FuZz – Fuzz

"Attention disque brutal"

L'album devrait être vendu avec cette mention sur un stickers tant le son qu'il contient est pesant. Le seul nom du groupe annonce la couleur: le bruit, le son gras, les riffs lourds. N’ayez pas peur, c’est juste de la magie noire.



Fuzz est le nouveau groupe de Ty Segall, un jeune californien carburant comme un malade au rythme de 2 à 3 albums par an. Dans ce projet là, il est question de remettre au goût du jour le son heavy des années 70, le Sabbat noir en tête. Les riffs giclent de partout sur l'album. C'est travaillé à la pédale fuzz dans de l'ampli vintage. Le groupe fait un boucan de dingue et ils ne sont que 3 !

Habituellement à la guitare, c’est derrière les fûts que Segall se déchaine cette fois. Globalement le disque oscille entre riffs lourd à la Black Sabbath/Deep Purple (Loose Sutures ou Sleigh Ride) et passages psychés assez rudes façon King Crimson (One). Les gars se connaissent par cœur et se permettent de longues impros assez hallucinantes en retombant toujours dans les clous.

La guitare fait aussi beaucoup penser à Hendrix plus par son rythme que par le son (même lui n’avait pas autant de fuzz à l’époque sur Electric Ladyland). Le disque est enregistré live, tout en vintage. C’est assez plaisant d’écouter au casque et d’entendre le groupe et le son de la pièce. La batterie a un son assez room et les amplis buzz pendant les moments de pause comme à l’ancienne.


Le son du disque est quasi parfait (dans l’esprit 70’s revival). On assiste à une jam session d’acid rock parfaitement maitrisée d’un groupe furieux dans une cave. C’est enregistré dans l’urgence et c’est tant mieux. Seulement 8 titres figurent sur l’album, ce qui pourrait être largement suffisant étant donné que l’on frise la lobotomie arrivé à seulement la moitié, mais on fait vite le tour (et on zappe sur Paranoid après du coup), dommage.
Le «j’aime pas» du disque ? Euh... la pochette ? Très moche mais complètement 70’s (un diable auréolé en velours violet, flottant dans le cosmos façon Stairway to heaven...).


Fuzz n’invente rien, mais nous fait la bonne surprise de placer son premier effort juste à côté des grands albums de hard des années 70. Pas très accessible suivant l’heure de la journée, privilégiez une écoute en solo, très tard dans la nuit avec un bon vin.
Magie noire on a dit.

Guillaume ANDREA