« Quinze ans !
… Depuis sa ménopause !... Quinze ans que j’peux pas la
sauter !... Nan mais ! Faudrait voir à arrêter ces
conneries, hein ! ».
Robert, Henri Vincenot du
XXIème siècle.
Robert, c’est mon
voisin. Et mon voisin Robert tente depuis des années de s’économiser
une psychanalyse en développant une méthode personnelle,
ingurgitant force vin rouge, pour ensuite satisfaire à une nécessité
subséquente à l’ingestion massive de liquide tout en lançant des
salves d’invectives à la face de la Lune à l’heure où
l’humidité de la rivière paresseuse et proche s’étale dans la
vallée, diffusant la délicate et enivrante odeur du chèvrefeuille
qui envahit alors l’atmosphère. Méthode qui ne laisse pas de
m’étonner par son manque flagrant d’efficacité, mais n’étant
ni soignant ni soigné, peut-être suis-je mal placé pour émettre
quelque jugement que ce soit quant à l’efficience thérapeutique
de la chose.
Si je pouvais alors te
donner un conseil, Robert, sans prendre dans la gueule quelque objet
contondant lancé avec une force respectable au vu de ton état, ce
serait celui de jeter une oreille sur la nouvelle recrue de Casbah
Records, The Future Primitives. Un groupe sud-africain qui reprend
ici un certain nombre de classiques du rock garage et surf. Et c’est
fait pour toi, Robert, le rock garage : un savant mélange
d’alcool et de frustration sexuelle, autant dire ton quotidien. Et
si ça pouvait t’éviter de pisser dans les rosiers, ce serait
toujours ça de gagné, à cause que ça pue…
Il est certain que, te
connaissant, tu préfères aller guincher au son de l’accordéon à
la salle polyvalente la plus proche, mais pose-toi une minute et
écoute. Tout d’abord, les morceaux datent des années 60, pile
l’époque où tu as engrossé la Jeannou au bal de Poilly et
qu’elle s’est pris une trempe par sa mère quand elle est rentrée
à la maison. Ça te rappellera des souvenirs. Et franchement, les
jeunots de The Future Primitives ont bien bossé, on s’y croirait.
Leur son est sec comme un coup de trique. Ah oui, c’est vrai, il ne
faut pas te parler de trique. Comme ta gnôle, si tu préfères,
c’est vrai qu’elle est bien raide, on peut pas lui enlever ça…
Et le ratafia que tu fabriques avec dévoile les mêmes qualités que
Songs We Taught Ourselves : c’est tranquillou au début,
on se dit qu’on sent bien le sucre et que ça a bon goût, enfin,
que ça a un goût, et puis paf ! au troisième verre, ça monte
au cerveau tout d’un coup. Do the Ostrich, ça s’appelle.
Ensuite, ça déroule : du surf sur la crête de la cuite (Every
Up), les mâchoires un peu crispées (Tell Me Where’s That
Girl), de l’hyperactivité alcoolisée à la limite du cas de
dopage (Zig Zag Wanderer), s’enchaînent périodes de
tension et accalmies salvatrices (She’s Mine, We Sell Soul),
mais ça emmène quand même un peu, et puis houuuuu c’est reparti.
Love At Psychedelic Velocity, puis The Fly te remettent
une vieille montée de derrière les fagots. Et je t’en passe, et
des meilleures. Ils se sont fait leur petite compil Nuggets
perso, en somme, ou guère de moins. Par moments ne manquent même
que quelques menues salves de cruchon tougoudougoudou pour
croire écouter The 13th Floor Elevator, c’est dire.
Alors tout ce que peux
faire pour toi, Robert, c’est te conseiller d’arrêter tes
stupéfiants maison et de passer à la came sud africaine. Ça ne te
guérira pas, mais tu auras moins mal à la gueule le lendemain…
NICO
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